Les rebelles nient discuter avec N’Djamena, l’Eufor se déploie – Reuters

Les rebelles opposés au président tchadien Idriss Déby démentent négocier avec le gouvernement, contrairement à ce qu’a affirmé à Bruxelles le chef de la diplomatie tchadienne, Ahmat Allam-Mi.

« C’est totalement faux. Il n’y a pas de négociations. C’est une manipulation de l’information, une tentative de lavage de cerveau de l’opinion internationale« , a dit à Reuters Ali Henchi Ordjo, porte-parole des rebelles, alors qu’arrivaient à N’Djamena les premiers éléments irlandais de l’Eufor-Tchad, la force de l’Union européenne.

« C’est une façon de dire que la rébellion a été matée, qu’elle essaie de négocier. Ce n’est qu’une autre forme de combat, une chanson que nous avons déjà entendue auparavant« , a-t-il ajouté.

L’UE fait pression pour que N’Djamena négocie avec les groupes rebelles, soulignant que l’instabilité nuit aux efforts internationaux visant à venir en aide dans l’Est tchadien au demi-million de réfugiés du Darfour et de Tchadiens déplacés par les troubles.

Idriss Déby et plusieurs hauts dirigeants du gouvernement tchadien avaient précédemment rejeté l’idée de discussion avec les rebelles, affirmant que l’armée avait vaincu les insurgés lors de l’attaque de N’Djamena au début du mois.

Mais, en déplacement à Bruxelles, le chef de la diplomatie tchadienne, Ahmat Allam-Mi, a affirmé jeudi que les autorités négociaient « en ce moment » avec les rebelles.

« Nous négocions constamment avec les rebelles, nous savons qu’ils sont manipulés par le gouvernement du Soudan« , a-t-il ajouté à l’issue de discussions avec des responsables de l’UE.

Plusieurs accords de paix entre le gouvernement Déby et les rebelles, obtenus sous l’égide de la Libye et l’Arabie saoudite, ont capoté au cours de l’année écoulée.

URGENCE HUMANITAIRE

Louis Michel, commissaire européen au Développement et à l’Aide humanitaire qui a rencontré le ministre tchadien, a souligné qu’il était vital de réactiver le dialogue. « Il est absolument nécessaire de rétablir aussi rapidement que possible le climat de confiance auquel étaient parvenus ces derniers mois les responsables politiques de tous bords« , a-t-il dit.

Mais, au-delà même des dénégations des rebelles, les perspectives d’un processus sérieux de discussions se sont nettement réduites au Tchad depuis la disparition de figures de l’opposition après les combats du début du mois dans N’Djamena.

Plusieurs opposants, dont l’ancien chef d’Etat Lol Mahamat Choua, ont été arrêtés à leur domicile par des hommes en uniformes. Des personnalités importantes du mouvement des droits de l’Homme ont préféré entrer en clandestinité.

Ahmat Allam-Mi a promis l’ouverture d’une enquête sur ces disparitions.

De source européenne, on indique que Lol Mahamat Choua a pu recevoir la visite d’un représentant de l’UE dans la caserne où il est détenu. Son état de santé n’inspire pas d’inquiétudes.

Les premiers éléments irlandais de la force de l’Union européenne au Tchad sont par ailleurs arrivés jeudi à N’Djamena, d’où ils rejoindront l’est du pays frontalier avec le Darfour.

L’Irlande déploiera 450 hommes au total et sera le deuxième pays représenté au sein de l’Eufor après la France, dont les soldats constitueront plus de la moitié des 3.700 hommes.

« Ils vont poursuivre directement vers Abéché ce (jeudi) après-midi« , a précisé le lieutenant-colonel Patrick Poulain, porte-parole de l’Eufor.

Ces cinquante membres d’une unité de reconnaissance des « rangers » irlandais se mettront au travail dès leur arrivée et sillonneront les alentours des villes d’Abéché et de Goz Beida pour repérer des sites permettant d’abriter un camp de base, a précisé l’armée irlandaise.

Les organisations humanitaires soulignent l’urgence d’une amélioration de la sécurité dans la région pour venir en aide à ces populations civiles.

L’Eufor-Tchad vient en complément de la force mixte Onu-Union africaine (Minuad) qui doit parallèlement se déployer au Darfour.

Version française Nicole Dupont, Jean-Stéphane Brosse et Henri-Pierre André