Koro Toro, Silence, on meurt !

korototoDeby avait l’habitude d’envoyer ses opposants militaires et autres rebelles à Bardaï, très loin de tout le monde. Mais depuis, l’accès à Bardai est devenu difficile : rébellion, logistique, etc. Alors Deby a construit un bagne en plein désert de Borkou, à Koro Toro, tirant son nom d’un puits où s’arrêtaient autre fois les caravaniers et autres méharistes.

korototo Dans cette région, il fait 55°C à l’ombre entre mars et juin et jusqu’à -5°C de novembre à février. Entourée d’un mur en béton de plusieurs mètres de hauteur, à l’intérieur duquel sont construites des cellules individuelles et collectives, le bagne, un immense enclos, est pratiquent infranchissable. Gardé par un régiment armé jusqu’aux dents, on ne sait pas exactement combien de personnes s’y trouvent. Les locataires du bagne viennent de tous les coins du Tchad. Enchainés et mis dans les gros porteurs bâchés de l’armée, les prisonniers sont souvent débarqués nuitamment, mais en réalité c’est une précaution inutile, car à Koro Toro, il n’y a que le bagne et le régiment qui le surveille, sinon aucune âme qui vive. On ne sait ni le nombre ni l’identité des locataires. Très mal nourris et pas du tout soignés, les prisonniers meurent et ils sont enterrés dans l’enceinte même de la prison. Selon un ancien bagnard, beaucoup des gens qu’on pensait les trouver à Koro Toro, n’y sont plus, peut-être déjà morts ou même exécutés ailleurs, mais on fait courir le bruit qu’ils y sont. Par contre d’autres, que personne ne pensait les trouver, y sont.

Tous les prisonniers de Koror Toro sont en réalité des prisonniers politiques, car aucun d’eux n’a jamais vu un juge, moins encore été condamné. C’est de l’illégalité pure et simple. Tous les bagnards ont été arrêtés sur ordre personnel de Deby : militaires, des supposés sympathisants des rebelles, des soudanais faits prisonniers par le MJE, les opposants de Timan Deby, les ex FUC ou supposés, untel innocent mais dénoncé par un opportuniste, bref n’importe qui, que Deby ne veut pas sentir ou pense, à tort ou à raison, représenter un danger pour son pouvoir. Le plus étrange et même choquant est le silence des ADH tchadiens et les Organisations Internationales des Droits de l’Homme, et aussi celui la commission tchadienne dite des droits de l’homme. On n’en fait pas cas, moins encore demander une visite. Pire est le silence complice des parrains de Deby, la France et l’UE, qui sont au courant aux détails près de l’existence du bagne et les conditions de vie des incarcérés. Les avions militaires français, dans leur randonnée quotidienne, survolent à plusieurs reprises le très vaste domaine (plusieurs KM sur plusieurs KM). C’est une société française bien connue localement qui l’a d’ailleurs construit. Mais toujours c’est le silence de tous les cotés. Même comportement de la part des députés tchadiens. Ces dignes « représentants » du peuple, « très démocratiquement élus », n’ont jamais osé interpeller le gouvernement sur ce sinistre dossier

Si, comme on le pense, la terreur que fait régner le système Deby sur la population tchadienne, empêche chacune des structures citées de s’exprimer librement, il n’en est pas de même pour les parrains de Deby qui ont des moyens de tout genre pour faire pression sur lui. Mais que vaut la mort de 100, 200, mille ou plus, des tchadiens face aux intérêts stratégiques ou pécuniaires en présence. En tout cas, ce ne sont pas les derniers soupirs d’un bagnard de Koro Toro qui vont déranger la bonne conscience « humaniste » d’un Kouchner ou d’un Louis Michel qui, à l’unisson, semblent dire à leurs gouvernements respectifs: « circulez, il n’y a rien à voir ou à dire à Koro Toro ».

Correspondance particulière depuis N’djamena.


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