Les Brèves de N’djaména : Deby renoue avec ses mauvaises habitudes

On se rappelle que Deby, après avoir « gagné » les élections présidentielles de 1996/97 avait radicalement coupé avec son train de vie d’alors. Enivré par cette victoire, il avait décidé de gouter aux délices de la fonction présidentielle. Entouré des bouffons, des griots et des charlatans, il s’était lancé dans la recherche effrénée de l’argent, du sexe et de l’alcool. C’était la période des faux dinars de Bahreïn, les valises aux couleurs du drapeau national convoyé par un ressortissant tchadien depuis l’Allemagne, c’était la période des va- et-vient incessants des vrais ou faux investisseurs ou des blanchisseurs, souvent arnaqués par Deby lui-même ou son entourage, etc. C’était aussi la période ou régnait dans tous les foyers la peur bleue de voir sa fille enlevée nuitamment ou ne pas revenir de l’école ou du marché et conduite chez Deby.

Sur conseils des différents charlatans et féticheurs, Deby doit passer par une teenager vierge chaque nuit jusqu’à atteindre le chiffre fatidique de 100. Deby régnerait alors 100 ans ! C’était la chasse à la vierge, exactement comme le faisait le Pharaon, et les bouffons tenaient les comptes : « aujourd’hui on a atteint 30, 40, etc. » Les rares voix discordantes, celles qui demandaient à Deby de mettre un peu de bémol dans ses lancées d’alcôve sont qualifiés par lui « les âmes moralisateurs » et par ses bouffons « des inintellectuels », sont systématiquement éloignés. L’Etat était dans la rue ; les décrets de nomination et de renvoie tombent au gré des humeurs des bouffons sans que les Ministres concernés ne soient au courant. Ces décrets sont initiés à la Présidence, signés par le Président et c’est après qu’on apporte au Ministre concerné pour le contreseing. Qui va oser placer un mot sur un décret déjà signé par le Chef d’Etat ! Pas de Conseils des Ministres, ces derniers passent leur temps au Cabinet à la recherche des infos concernant tel ou tel dossier et souvent le Cabinet lui-même n’est au courant de rien. Les bouffons qui étaient souvent des vulgaires individus sortis de nulle part, analphabètes et ignorants, n’ayant exercé aucune fonction exceptée de la délation et du colportage, ces énergumènes qui sont pour la plupart des proxénètes ou comédiens, organisent un large réseau de trafic d’influence. Il faut désormais passer par eux pour avoir une audience avec le Chef, faire passer un message, placé un analphabète à un « poste juteux », etc. Comble de ridicule, on a vu des PM passer par les bouffons pour faire passer des messages au Chef. Des serviteurs affirmés de l’Etat ont vu leur carrière brisée par les bouffons parce qu’ils refusaient de faire allégeance à ces bandits, tandis que des ramassis ignares se hissaient au sommet de l’Etat. Deby, lui, était au ciel. L’Etat aussi, existait tout seul, roulait tout seul selon les lois de l’inertie.

Deux événements vont mettre fin à cette situation de non-Etat. La rébellion de la Garde Républicaine (GR), événement qui est une conséquence directe de l’état du pays, et l’arrivée de Hinda. Cette rébellion de la GR a complètement pris de court Deby, l’a totalement désarçonné. Se sentant demi Dieu, il n’a jamais pensé qu’il pourrait avoir quelqu’un mécontent de lui ou de sa politique jusqu’à attenter à sa vie. Deby tomba de son piédestal pour revenir sur la terre ferme. Paniqué et désemparé, il s’enferma carrément chez lui pour quelques jours, mis fin à ses escapades d’alcôve nocturnes, surtout les nénettes disparurent de son champ de vision, limita au stricte les audiences, et les apparitions publiques, etc. Il prit en charge sa propre sécurité en nettoyant complètement l’écurie GR.

Hinda a mis tous les bouffons hors d’état de nuire en les vidant de l’entourage de son mari. Les audiences avec le Chef de l’Etat passent désormais par elle, mieux celui qui a audience avec Deby devrait exposer son sujet à la Première et c’est cette dernière d’apprécier si l’audience est nécessaire ou non. Nul ne peut se rapprocher d’IDI sans l’accord express et sans la présence de Hinda. Point des bouffons, des griots ou des proxénètes autour du Chef ! Selon plusieurs sources concordantes, Hinda a « civilisé » le Cabinet du Président ainsi que la vie privée de celui-ci.

La rébellion prit de l’ampleur et par bonheur pour Deby, les revenus pétroliers commencèrent à tomber ; dès lors, il s’activa à contenir la rébellion an laissant la gestion quotidienne de l’Etat à Hinda. On aura remarqué que la junte féminine a disparu des alentours du palais rose, ainsi que la recherche effrénée de l’argent sale. La priorité est de contenir la rébellion dans un climat de gabegie de mal gouvernance et de déni des droits de l’homme et des séjours réguliers à l’hôpital américain de Neuilly.

Apparemment la rébellion est contenue, puisqu’on constate depuis un bon moment que Deby commence à reprendre ses esprits et ses vielles habitudes. Premier signe l’instauration rampante du culte de la personnalité, Deby est de nouveau au firmament. Localement tout se ramène à lui et s’identifie à lui, à sa personne. Que Deby a le Tchad dans sa poche c’est peu dire. Il suffit d’écouter l’interview qu’il accorda à sa chaine Africa 24 pour s’en convaincre : pendant presque 2h, toutes les phrases prononcées ont seul et unique sujet « moi » ou « je » ou « moi, je », jamais de « nous » ou « le Gouvernement » ou moins encore « le Tchad ». Un autre signe révélateur du nouvel état d’esprit, c’est le retour de la junte féminine, la preuve que l’étoile de Hinda est en train de s’étioler. Dernièrement Deby a conduit deux grandes réunions avec des groupes des jeunes filles beri et goranes. Selon des témoins, chaque groupe comportait une quarantaine des participantes. Le but officiel de ses retrouvailles est de faire la connaissance avec « les parentes intellectuelles » et trouver voies et moyens pour les caser dans l’administration. Mais personne n’est dupe ; l’une des participantes a gagné le cœur de Deby et deviendra très prochainement la Première Dame. Autre fait révélateur, le retour massif de tous les ex bouffons, mis à la porte en son temps par Hinda. Ajoutons à ce palmarès, le retour en force du tout puissant oncle d’IDI, l’ex Commandant de la GNNT. Nommé Gouverneur de l’Ennedi, il a été installé en présence de 4 Ministres, 15 généraux, ainsi que des nombreux courtisans arrivés à Fada à bord de deux avions.

Distingué par Africa 24 comme le plus grand Président africain, Deby y croit fermement : dans ses conversations avec ses bouffons retrouvés, Deby pavoise : « les Présidents du Gabonm du Benin et du Togo sont mes petits, pour toute initiative politique même locale, ils me consultent d’abord.» « Les Présidents de l’Afrique centrale ont une peur bleue de moi, dans les conférences sous régionales, tous sans exception s’aplatissent devant moi. » « Un jour Wade m’a demandé : comment tu fais pour être respecté de cette manière en Afrique centrale ; mais il veut dire être craint. Il en est jaloux, le vieux.»

Deby se considère de nouveau comme demi-Dieu. Qui le fera savoir qu’il ne l’est pas ?

Beremadji Félix
N’djaména


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