Tchad/Banque mondiale: Le clash pétrolier – L’Observateur
Les pétrodollars étaient censés soutenir un développement fulgurant du Tchad en lui permettant de faire un grand bond quantitatif et qualitatif dans la lutte contre la pauvreté. Mais voilà, des années après, la manne pétrolière tarde à produire les effets escomptés dans l’amélioration des conditions de vie des Tchadiens. Pour la Banque mondiale, cette triste situation est due au fait que N’Djamena ne respecte pas les engagements pris concernant l’usage des fonds pétroliers.
Et pour ne pas être complice de cette forfaiture, l’institution de Bretton Woods a annoncé dans un communiqué diffusé le 9 septembre 2008 qu’elle se retirait du projet pétrolier de Doba. Ce projet consiste à la pose d’un oléoduc reliant le Tchad au Cameroun dans le but de faciliter l’exportation du pétrole tchadien.
En acceptant de financer le projet en 2001, la Banque mondiale avait convaincu ou contraint le Tchad, c’est selon, à consacrer 70% de ses dépenses budgétaires à des programmes prioritaires de réduction de la pauvreté. De plus, 10% des revenus pétroliers, dits « Fonds pour les générations futures », devaient être bloqués sur un compte londonien.
Mais voilà, dès 2006, le président Idriss Déby Itno a fait sauter le cadenas du « Fonds des générations futures » pour acheter des armes. Dans le même temps, l’Etat tarde à investir conséquemment dans les secteurs essentiels, comme l’éducation, la santé, l’eau potable.
Des conditionnalités bonnes dans le fond, mais qui posent quand même problème dans le principe. En effet, elles portent atteinte à la souveraineté de l’Etat et à son droit de disposer librement de ses ressources. Des conditionnalités qui n’honorent pas l’Afrique. Tout se passe comme si nos gouvernants ne savent pas quelles sont nos priorités les plus pressantes.
Dans le principe, Idriss Déby a donc raison de disposer comme il l’entend des pétrodollars. Il en aurait fait un bon usage que personne n’aurait rien trouvé à redire. Mais voilà, bien qu’il ait raison, on ne peut le défendre compte tenu de ses antécédents en matière de mal gouvernance. On a tous vu que l’homme fort de N’Djamena préfère acheter des armes de guerre pour mater la rébellion et des cordes pour pendre ses opposants.
De plus, le président tchadien, en choisissant de modifier le contrat, a manqué à la parole donnée. On ne peut pas accepter de signer un document et se lever du jour au lendemain pour le renier. Il aurait voulu abuser du bailleur de fonds qu’il ne se serait pas pris autrement.
Visiblement, N’Djamena, qui avait besoin d’argent frais pour construire son oléoduc, a signé les yeux fermés tous les documents qu’on lui a soumis. Puis, comme s’il venait de se réveiller, il crie et juge inacceptables les conditions que lui a imposées la Banque mondiale.
En se retirant du projet de Doba, la Banque mondiale a contraint le Tchad à lui rembourser la totalité des reliquats de sa dette contractée dans le cadre de ce projet, soit quelques 66 millions de dollars. N’Djamena s’est exécuté. Une broutille en somme pour ce pays qui récolte des dividendes pétrolières à hauteur du milliard de dollars l’an.
Seulement en décidant de se retirer de ce projet, la Banque mondiale ouvre ainsi un boulevard à la Chine, ce grand glouton de pétrole, qui ne s’embarrasse pas de conditionnalités pour traiter affaires. On a vu Pékin à l’œuvre sur le continent signant de gauche à droite des contrats sans tenir compte de l’état des droits de l’homme.
Ce différend entre le Tchad et la Banque mondiale est un précédent dont les autres pays africains se souviendront lorsqu’ils auront le choix de traiter avec les institutions de Bretton Woods et un pays tiers, comme la Chine ou l’Inde, pour le financement d’un programme minier
San Evariste Barro