Pour accuser Hissène Habré, des témoignages et des dessins de torture – Afp
Le dessin représente un homme dont les bras et les jambes sont attachés dans le dos. « Cette torture était couramment utilisée sous le régime d’Hissène Habré », accuse Clément Abaifouta, l’une des 14 personnes ayant porté plainte contre l’ex-président tchadien, mardi au Sénégal.
C’est dans la ville-même où Hissène Habré vit réfugié depuis 17 ans, à Dakar, qu’une plainte pour crimes contre l’humanité et crimes de tortures a été déposée contre lui par douze Tchadiens et deux Sénégalais.
Elle cible en particulier des « faits de tortures exercées par la tristement célèbre DDS (Direction de la documentation et de la sécurité) qui mettait en oeuvre un système de terreur », a affirmé Me Jacqueline Moudeina, présidente de l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’Homme, lors d’une conférence de presse.
Pour appuyer l’accusation, des dessins en noir et blanc sont projetés devant la presse. Sur l’un, un tortionnaire se tient debout sur le ventre d’un homme. Sur un autre, la bouche d’un homme est collée de force à un pot d’échappement de voiture.
« Ces dessins ont été faits par une victime », a expliqué Clément Abaifouta, président de l’Association tchadienne des victimes de crimes et répressions politiques, au nombre des plaignants.
Cet homme de 50 ans, portant la cravate et le costume, raconte avoir servi de « fossoyeur », de 1985 à 1989, « aux locaux de détention » à N’Djamena, où il enterrait « chaque jour » plusieurs de ses co-détenus.
« En juillet 1985, j’étais un simple étudiant, j’allais partir en Allemagne parce que j’avais bénéficié d’une bourse d’étude », dit-il.
On m’a arrêté chez moi en pleine nuit, on m’a accusé de partir en rébellion. J’étais le neveu d’un opposant. A l’époque, il suffisait que vous écoutiez une radio d’opposition pour qu’on vous prenne! »
« En détention, nous dormions à même le ciment, à 50 dans une salle qui ne peut normalement contenir que 10 personnes. Certains mouraient asphyxiés ou par manque de soins », témoigne encore M. Abaifouta.
« Moi-même, j’ai vu des détenus à qui l’on attachait les jambes et les bras dans le dos, un supplice qui s’appelait +Arbatachar+ », assure-t-il.
« Je demande +Est-ce que nos geôliers étaient des humains?+ Ils pensaient en tout cas que nous étions des ennemis de l’Etat. Le slogan du parti unique, c’était: +Hissène Habré ici, Hissène Habré là-bas, Hissène Habré partout+ ».
Un homme plus discret, un Sénégalais vêtu d’un boubou bleu, a également porté plainte mardi contre l’ancien président tchadien. Son nom: Abdourahmane Gueye. Son ancienne profession: marchand de bijoux.
« J’ai été arrêté en mars 1987, avec un autre Sénégalais, Demba Gaye », décédé en détention et dont la soeur figure parmi les plaignants, raconte l’homme de 61 ans.
« Nous étions des hommes d’affaires basés en Centrafrique, nous fournissions des bijoux et des diamants aux militaires français à Bangui. La DDS nous a interpellés entre la base militaire française et l’aéroport civil à N’Djamena. On nous accusait d’être des espions pour la Libye, en guerre contre le Tchad ».
« Je suis resté plus de cinq mois au camp des Martyrs, dans une cellule de quelques mètres carrés où il y avait 60 personnes, sans lumière ». « Des gens sont morts de maladies ou torturés. J’ai vu comment on les a torturés et comment ils sont tombés KO ».
« Si aujourd’hui les avocats d’Hissène Habré disent qu’il n’y a pas de victime (de crimes commis par son régime), ils n’ont qu’à nous demander », conclut-il.