On ne peut pas maintenir la paix au Tchad – IPS
La force de maintien de la paix de l’Union européenne (UE) au Tchad est mal adaptée pour lutter contre le banditisme et à la criminalité qui tourmentent les réfugiés du pays, a déclaré le groupe de lutte contre la pauvreté, Oxfam.
En mars de cette année, une mission forte de 3.700 soldats a été déclarée opérationnelle par l’UE et a été alors déployée au Tchad. Connue sous le nom de EUFOR, cette force a reçu un mandat des Nations Unies de protéger des civils en danger, en particulier ceux qui sont déplacés par le conflit, et de faciliter la fourniture de l’aide alimentaire.
Dans un rapport publié la semaine dernière, Oxfam a découvert que, bien que des réfugiés aient reconnu à l’EUFOR d’avoir apporté plus de sécurité, elle n’arrive pas à satisfaire aux besoins de maintien de l’ordre du pays. Des passages à tabac, le vol de bétail, des vols dans des camps de réfugiés et le viol sont parmi les problèmes que rencontrent quotidiennement les civils dans l’est du Tchad.
Les limites de l’EUFOR ont été exposées par le refus du gouverneur de la ville orientale d’Abéché d’autoriser son personnel patrouiller dans la ville pendant la nuit, même après qu’un membre du personnel de l’organisation de la Croix-Rouge a été fusillé en juillet. Ceci est contraire à la situation à Goz Beida, proche de la frontière du pays avec le Soudan, où l’EUFOR a entrepris des patrouilles suite aux affrontements entre des groupes armés et les forces loyales au gouvernement tchadien.
Sally Chin, auteur du rapport d’Oxfam, a indiqué que l’EUFOR est mal adaptée pour lutter contre le banditisme et la criminalité.
Sa collègue Elise Ford, une spécialiste des affaires humanitaires au bureau du groupe à Bruxelles, a affirmé que l’UE a une influence considérable au Tchad et beaucoup de potentialités pour améliorer la situation sécuritaire. Mais l’EUFOR n’est pas en mesure de protéger les civils comme cela se doit, a-t-elle ajouté.
Ford a soutenu que l’UE et toute la communauté internationale devraient accorder une attention particulière au rôle joué par la Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT). Elle a pour mission d’aider à améliorer le système judiciaire du Tchad en donnant la formation à la police et l’éducation sur les droits humains.
Constituée il y a un an, la MINURCAT est supposée former une unité de la police et de la gendarmerie tchadiennes forte de 850 personnes pour assurer la sécurité à plein temps aux camps de réfugiés dans l’est. Toutefois, jusqu’ici, seulement 320 de ceux-ci ont été formés, et aucun n’a été déployé. Ce type de retard est inacceptable dans une situation d’insécurité, a indiqué Ford.
Elle a également souligné que 850 officiers de police seraient insuffisants pour aborder l’ampleur de ce problème au Tchad. Selon l’Agence de l’ONU pour les réfugiés (HCR), environ 250.000 personnes déracinées par les violences dans la province soudanaise du Darfour sont hébergées dans 12 camps le long de la frontière tchadienne. D’autres 180.000 Tchadiens ont été déplacés du fait de la violence qui dure depuis longtemps dans le pays.
Le HCR a averti que la situation sécuritaire au Tchad est passée d’une situation inquiétante à une situation mortelle en 2006 et continue au même rythme en 2007 et 2008.
Des fonctionnaires de l’UE disent qu’il n’y a aucune discussion immédiate prévue à Bruxelles au sujet de la manière dont l’union peut contribuer à la satisfaction des besoins de maintien de l’ordre au Tchad. Un diplomate représentant l’un des 14 pays qui ont envoyé des forces à l’EUFOR, a affirmé que la mission est destinée à assurer une sécurité élargie.
Elle n’est pas là pour être une force de l’ordre, a ajouté le diplomate.
Pat Nash, le général irlandais qui commande l’EUFOR, a estimé qu’elle a besoin de jusqu’à 20 hélicoptères pour accomplir sa mission. Mais parce que plusieurs Etats de l’UE ont engagé des avions militaires en Afghanistan, il a dû rechercher des engagements à l’extérieur de l’union. La semaine dernière, la Russie a accepté de fournir quatre hélicoptères et 200 soldats. L’EUFOR est en dessous de sa capacité sur une grande partie de l’année, mais elle doit l’atteindre cette semaine avec le déploiement d’autres soldats de Pologne.
Avant le déploiement de l’EUFOR, certains membres du Parlement européen et des activistes des droits de l’Homme ont exprimé plusieurs inquiétudes au sujet de la manière dont la position dominante des troupes françaises en son sein pourrait mettre en cause son impartialité.
La France est connue pour avoir aidé à consolider le régime du président du Tchad, Idriss Déby, dans le passé. A travers un accord avec le Tchad datant de 1976, la France dispose déjà d’une présence militaire considérable dans la capitale N’Djamena et dans la ville orientale d’Abéché. Lorsque Déby a réussi à repousser une attaque rebelle du Front uni pour la démocratie et le changement en 2006, il l’a fait grâce au soutien logistique et au service des renseignements français.
Chin d’Oxfam a dit que les préoccupations relatives à la neutralité résultant de la nature principalement française de la force ont diminué, mais qu’elle demeurait inquiète par rapport à la manière dont l’EUFOR peut gérer tout éclatement de conflit qui pourrait surgir dans la période souvent tendue qui suivra la saison pluvieuse, à la fin de cette année.
Oxfam a trouvé que certains civils à Abéché ont confondu les troupes françaises présentes déjà dans le pays avec les nouveaux venus de l’EUFOR. Elle a estimé qu’une campagne d’information devrait être lancée au Tchad pour expliquer le mandat donné à la mission de l’UE. (FIN/2008)