Affaire Hissène Habré : Les victimes craignent un enlisement du procès – Walfadjri

‘Si je n’ai pas d’argent, je ne fais pas de procès’. Cette déclaration d’Abdoulaye Wade ne rassure pas les victimes d’Hissène Habré qui craignent déjà des risques d’enlisement du procès Habré.

‘On ne peut pas subordonner le début de la procédure dans l’affaire Hissène Habré à un problème financiers’, a déclaré Alioune Tine, en réponse au chef de l’Etat qui, rappelle le président de la Raddho, avait déclaré récemment à propos du procès de Habré : ‘Si je n’ai pas d’argent, je ne fais pas de procès.’ Selon M. Tine qui animait, hier, une conférence dans le cadre de la rencontre du Comité international pour le jugement équitable d’Hissène Habré (Cijehh), ce comité est ‘inquiet et préoccupé’ de ces déclarations du chef de l’Etat. Mais aussi des risques d’enlisement du procès. Parce que, dit-il, ‘ces déclarations d’Abdoulaye Wade prennent le contre-pied de la conférence de presse de Madické Niang au Méridien après le travail de réforme des textes (Code de procédure pénale, Constitution)’. Et Alioune Tine d’affirmer que les avocats des victimes d’Habré et certaines victimes qui ont effectué le déplacement sur Dakar ne comprennent pas que le chef de l’Etat sénégalais pose, à nouveau comme obstacle, des problèmes financiers. Ce, après que le Sénégal a conçu une loi de compétence universelle qui a suscité un espoir de voir le procès se tenir.


A propos du financement du procès, le patron de la Raddho informe que les bailleurs de fonds attendent que le Sénégal propose le budget. ‘L’Union européenne a déjà 3 millions d’euros. Le Tchad a déposé 2 milliards et demandé au Sénégal de faire une demande pour acquérir cet argent’, a-t-il renseigné. Du côté du Sénégal, le Cijehh dit être informé du travail qui a été fait. ‘Un budget a été proposé. Il semble que du côté du comité de suivi, on attend que le budget soit validé par l’ensemble des acteurs pour le présenter aux bailleurs’, explique M. Tine. En attendant, poursuit-il, ‘il faut que le Sénégal soit raisonnable. On ne peut pas dire : ‘il nous faut tout le budget pour commencer le travail’’. Selon les membres du Cijehh, aujourd’hui que les plaintes sont déposées, les premières réquisitions peuvent avoir lieu sans être arrimées à des problèmes de budget. Le président de la Raddho de citer, à cet effet, comme exemple, la Sierra Leone. ‘En Sierra Leone, c’est chaque trois mois, quand les choses avancent, que le budget suit’, a-t-il fait savoir.

Le président de la commission d’enquête tchadienne, Mahamat Hassan Abakar est revenu, au cours de la rencontre, sur le rapport de sa commission. Ce rapport, publié depuis le 20 mai 1992, traite des crimes perpétrés par l’ancien homme fort de N’Djaména. Se fondant sur le document, M. Abakar affirme qu’Hissène Habré ‘arrête, torture et exécute’ tous ceux qui ne partagent pas ses idées. ‘Nous avons, lors de nos enquêtes, découvert des fosses communes aux alentours de N’Djaména. Nous avions procédé à des exhumations et la première fosse contenait 30 corps. La deuxième, éloignée de 20 km de N’Djaména contenait 150 corps de personnes exécutées en une nuit’, explique M. Abakar. Citant toujours le rapport, le président de cette commission, informe qu’il existait huit centres de détention politique dans lesquels ‘les gens mouraient de famine, de maladie, avant d’être exécutés chaque soir, aux alentours de N’Djaména’. Pour Hissène Habré, ‘ceux qui ne sont pas avec lui sont contre lui et ceux qui sont contre lui, n’ont pas droit à la vie’, note M. Abakar.

A la suite de M. Abakar, une dizaine de victimes qui ont effectué le déplacement sur Dakar, ont apporté des témoignages poignants sur le régime d’Habré. Parmi elles, Ginette Ngarbay, une Tchadienne détenue pendant deux ans dans les geôles de la police politique d’Habré. ‘J’ai été arrêté en janvier 1985 et libéré en 1987 de la même année. J’étais grosse de quatre mois quand on me conduisait à la Direction de la documentation et de la sécurité où j’ai été torturée, avant d’être transférée dans une autre prison. C’est là que j’ai accouché et perdu mon bébé’, témoigne-t-elle en sanglots.

Les victimes réclament à l’unisson que justice soit faite dans l’affaire Hissène Habré. Non sans menacer de saisir d’autres juridictions si le Sénégal tarde à enclencher la procédure.

Yakhya MASSALY


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