Guerre sans fin – Le Monde
Entre le Tchad et le Soudan, la guerre par rébellions interposées revient mécaniquement, comme un mauvais temps de saison. Chaque année, à pareille époque, avant que les pluies ne viennent interdire pour plusieurs mois toute opération militaire, le Tchad est l’objet d’incursions de ses propres groupes rebelles installés sur le territoire de son voisin soudanais.
L’une de ces attaques est en cours. Dans chaque camp, on s’y était préparé pendant des mois, accumulant armes, munitions et carburant. Les opérations ne sont sans doute pas terminées, mais, déjà, les rebelles tchadiens sont en difficulté. En fin de semaine, ils ont subi une défaite face aux troupes du président Déby. Dans le même temps, des rebelles soudanais du Darfour, soutenus à l’inverse par le Tchad, pourraient être tentés d’attaquer leur propre pays avant l’arrivée des pluies.
La météorologie ne joue cependant qu’un rôle mineur dans cette répétition meurtrière dont la raison véritable tient dans le conflit en entre les deux capitales, N’Djamena au Tchad, Khartoum au Soudan, qui feignent de vouloir la paix mais, redoutant apparemment la guerre ouverte, préfèrent continuer à soutenir leurs rébellions respectives.
Au Soudan, le président Bachir est l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, qui veut le poursuivre pour les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis au Darfour. De l’autre côté de la frontière, le bilan calamiteux du président tchadien Idriss Déby, après dix-huit ans au pouvoir, est la meilleure publicité pour les mouvements rebelles, même si nul n’est certain de ce que les groupes armés, aux innombrables rivalités, apporteraient au Tchad en cas de victoire.
Où se trouve alors l’opposition politique tchadienne qui pourrait remplir le grand vide auquel les hommes en armes abandonnent le pays et sa population, l’une des plus pauvres au monde, l’une des moins éduquées, l’une des moins convenablement soignées ?
Cette opposition politique est maltraitée et intimidée. L’un de ses représentants les plus dignes, Ibni Oumar Mahamat Saleh, a selon toute vraisemblance été assassiné par des proches du pouvoir l’année passée lors de la dernière offensive rebelle. En dépit des promesses faites depuis, aucune enquête sérieuse n’a permis d’éclaircir les circonstances de sa mort.
Au Tchad comme au Soudan, les deux pouvoirs ont des problèmes de légitimité. Entretenir le conflit est pour eux le plus sûr moyen de ne pas répondre de leurs responsabilités.