Tchad: Orienter les projecteurs de l’aide vers l’ouest – Irin

L’est du Tchad est connu comme l’un des environnements humanitaires les plus difficiles dans le monde en raison de l’insécurité qui résulte des débordements du conflit du Darfour, au Soudan, et de tensions internes. Beaucoup moins d’attention est accordée à l’ouest du pays où quelque 1.6 million de personnes risquent pourtant de manquer de nourriture d’ici les récoltes du mois d’octobre, selon le Programme alimentaire mondial (PAM) et le gouvernement.

Le prix des denrées alimentaires dans l’ouest est d’au moins 35 pourcent plus élevé que la moyenne des cinq dernières années, selon le Réseau de Système d’alerte précoce contre la famine (FEWS NET), et des défis logistiques considérables freinent la distribution d’assistance alimentaire.

« Alors que nous entrons dans la saison des pluies, il va devenir extrêmement difficile d’atteindre les populations éloignées », a dit le directeur de l’Office national de sécurité alimentaire, Ali Adou Djorou. « Nous avons tenté autant que possible de pré-positionner les vivres avant l’arrivée des pluies, mais nous allons tout de même faire face à des difficultés majeures avec le transport secondaire ».

L’importation de nourriture dans la région coûte cher et prend du temps. Même le voyage à travers le Cameroun voisin est difficile.

« Tout doit passer par le port congestionné de Douala [au Cameroun]. Il y a une compétition entre les opérations d’assistance aux réfugiés dans l’est et aux populations affectées dans la bande sahélienne. Il faut facilement compter quatre à cinq mois pour que la nourriture atteigne les bénéficiaires au Tchad », a dit le directeur adjoint du PAM, Moumini Ouédraogo.

« Historiquement, les regards ont été tournés vers les déplacés internes et les réfugiés [du Darfour voisin] », a noté la responsable du bureau de Coordination des affaires humanitaires (OCHA) au Tchad, Ute Kollies. « Il y a quelque 70 organisations qui répondent aux besoins dans l’est, mais ceci est une opération différente, qui requiert une expertise différente ». La logistique et les délais de financement ralentissent les opérations, a-t-elle dit.

En l’absence d’organisations non gouvernementales (ONG) établies, le PAM a dû organiser sa propre distribution de vivres dans les régions de Batha et Guéra au début du mois de juin. « Nous travaillons normalement avec des partenaires, mais cette fois, quand est venu le temps de distribuer, nous n’en avions pas », a dit M. Ouédraogo. « Les ONG arrivent maintenant et vont se charger de la prochaine distribution alimentaire [qui aura lieu d’ici la fin du mois d’août dans les régions de l’ouest du pays] ».

Le PAM manque de vivres

Le PAM a reçu moins du cinquième des 46,000 tonnes de vivres nécessaires pour éviter que les populations aient faim d’ici les prochaines récoltes. À la fin de 2009, le gouvernement, les agences des Nations Unies et FEWS NET avaient indiqué que 80 000 tonnes de vivres seraient requises pour couvrir les besoins de la population affectée. Le gouvernement a mis 32 000 tonnes de vivres en vente à prix subventionnés.

L’achat local aurait pu être plus rapide, « mais les pays ne sont pas toujours prêts à exporter leurs produits », a dit M. Ouédraogo. En mai, le Comité permanent inter-état de lutte contre la sécheresse dans le Sahel a appelé les gouvernements à ne pas imposer de barrières au commerce régional des céréales, rappelant que la production du Sahel et de l’Afrique de l’ouest n’avait décliné que de deux pour cent par rapport à l’année précédente.

« Le plaidoyer a marché », a noté M. Ouédraogo. « Si nous mobilisons davantage de fonds, on nous a dit que nous pourrions acheter du Nigeria. [De là, le transport] devrait prendre entre 30 et 45 jours ». Pour la première fois cette année, le PAM a acheté 1 000 tonnes de haricots au Burkina Faso.

Mais certains habitants des régions de l’ouest ne peuvent pas attendre davantage. Les gens ont commencé à se déplacer pour chercher de la nourriture, a dit Mme Kollies, d’OCHA. « Nous avons déjà vu quelque 600 personnes qui ont quitté leur domicile et sont arrivées à Moussoro [dans la région de Bahr El Gazel, dans l’ouest du pays] où elles attendent de l’assistance. Nous faisons face à un éventuel déplacement de population en raison de la faim ».


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