La guerre sans l’argent du pétrole – N’DJAMENA BI-HEBDO N° 946 du 1er mai 2006
Le fonds de la génération future est sacrifié au profit de la lutte contre la pauvreté par l’accord de la reprise de la coopération entre le Tchad et la banque mondiale, avec une conditionnalité de taille: pas de dépense militaire avec les revenus pétroliers.
Un communiqué conjoint daté du 26 avril 2006 de Washington annonce que le Tchad et la banque mondiale sont parvenus à un accord pour la reprise de la coopération sur la base du document cadre de discussion défini lors de la mission multi-bailleurs qui a eu lieu à N’Djaména du 4 au 6 avril 2006.
Selon le même communiqué, « cet accord prévoit une série d’actions à entreprendre par la banque mondiale et le gouvernement. La reprise de l’aide financière de la banque ainsi les décaissements des ressources du compte séquestre interviendront concomitamment aux actions dans le cadre de la loi de finance rectificative en cours de préparation et aux initiatives de renforcement de la gestion des finances publiques incluant celle de l’ensemble des revenus pétroliers en vue de garantir le financement des programmes en faveur des pauvres. Par ailleurs, la Banque encourage les autres partenaires au développement à aider le Tchad à satisfaire ses besoins pressants ».
Voilà un accord que Idriss Déby ne manquera de brandir au cours de sa campagne électorale comme une victoire personnelle dans le conflit qui oppose son gouvernement à la néocolonialiste banque mondiale.
En réalité, au lieu d’une victoire, cet accord, obtenu, à l’arrachée, pour les besoins de la campagne électorale, respecte l’esprit de la loi 001 et consacre purement sa restauration. La loi 001 avait été modifiée de manière unilatérale à la fin de l’année 2005 par le gouvernement au nom d’une certaine souveraineté.
Avec cet nouvel accord signé le 26 avril, le Tchad passe simplement sous les fourches Caudines de la banque mondiale. L’analyse attentive du communiqué conjoint laisse transparaître les conditionnalités imposées par la banque pour la reprise de cette coopération.
D’abord, la série d’actions à entreprendre par la banque mondiale et le gouvernement souligné par l’accord. On sait que pour la banque mondiale les actions tiennent au dégel des décaissements des projets qu’elle finance et la levée du blocage du fonds séquestre à la Citibank
Pour le Tchad, la liste comprend la révision de la loi 001modifiée, l’assainissement des finances publiques, la révision de la loi de finances 2006 en écartant de cette loi de finances rectificative la sécurité des secteurs prioritaires financés sur les revenus pétroliers. On note cependant qu’avec cet accord, la part des revenus pétroliers affectés au trésor public pour le fonctionnement de l’Etat reste la même, de 30 %, les 70% de ces recettes seront consacrées aux secteurs de l’Education, la santé, l’agriculture, l’électricité, l’eau, les infrastructures et la lutte contre la pauvreté.
Ensuite, l’argent frais de la banque ou les ressources en dépôt à citibank de Londres ne seront disponibles au trésor public tchadien, dans trois mois, le temps que le Tchad adopte la loi de finances rectificative de 2006. Pour cela, le Tchad se doit de rapporter la loi 001 modifiée pour rayer de la liste la sécurité des secteurs prioritaires avant de faire figurer sur la loi de finances rectificative les montants alloués aux secteur retenus par cet accord.
Bref, c’est un retour à la case départ. Par l’entêtement de Déby, le Tchad aura accusé un retard d’un semestre sur les financements des projets pour ne rien gagner à la fin. C’est cela la « bonne gouvernance débyenne ».
Par Jean Claude Nékim
N’DJAMENA BI-HEBDO N° 946 du 1er mai 2006