Manif des bagnards de N’Djamena – NDJAMENA BI-HEBDO N° 954 du 1er au 4 juin 2006
Les pensionnaires de la maison d’arrêt de N’Djamena ont protesté, le 29 mai dernier, contre leurs mauvaises conditions de détention.
Pour prendre à témoin l’opinion nationale et internationale, en particulier les associations de défense des droits de l’homme, les prisonniers, mécontents des conditions hygiéniques dans leur lieu de détention, ont sorti et exposé dans la cour de la prison tous leurs ustensiles de cuisine et les nattes sur lesquelles ils dorment. On a vu éparpillés dans la cour des vieilles marmites, des assiettes rouillées et des tapis en lambeaux comme le montre la photo ci-contre. Bien plus, un tour dans ce milieu carcéral fait découvrir des tas d’ordures qui ne sont pas enlevés au pied des murs, les caniveaux qui ne sont pas curés faute de matériels d’assainissement comme les brouettes, les râteaux, les pelles et les balais. L’odeur d’urine et de déchets mêlés vous pique à chaque détour. Les conditions hygiéniques à la maison d’arrêt de N’Djaména laissent à désirer.
Outre ces conditions hygiéniques, les prisonniers dénoncent le surpeuplement des cellules. La répartition des prisonniers dans les cellules n’obéit à aucune norme. A la question de savoir combien de personnes sont accueillies dans une cellule de moins de 20 mètres carrés que nous avons visitée, les occupants répondent unanimement que leur nombre n’est pas limité. « Cette petite chambre peut contenir 50 à 70 personnes », renchérit quelqu’un parmi eux. Un gendarme, qui suit attentivement notre conversation, acquiesce de la tête. Pour désengorger les cellules, certains prisonniers se sont débrouillés eux-mêmes à construire des tentes et d’autres chambres. La situation n’est guère meilleure sur le plan alimentaire. Une vache maigre, attachée au pied d’un arbre, sera partagée dans la journée par une population de 900 à 1000 personnes, témoigne le porte-parole des prisonniers. « Quand bien même on mange une seule fois par jour, notre ravitaillement en vivres n’est pas régulier », explique un autre prisonnier. Le ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des Droits de l’homme et des relations avec l’Assemblée nationale, lors de sa visite le 9 août 2005 à la maison d’arrêt, avait fait de nombreuses promesses visant à améliorer ces conditions de détention dans les prisons du Tchad. Abdéraman Djasnabaille avait prétendu réhabiliter les maisons d’arrêt et en construire d’autres. Il avait promis apporter des solutions urgentes au problème des mineurs détenus avec les adultes et à celui des « oubliés de la justice », des prisonniers qui sont détenus à la maison d’arrêt alors qu’ils ont purgé leur peine. Dix mois après la visite du ministre des Droits de l’homme, les prisonniers constatent plutôt que leurs conditions se dégradent.
Hubert Bénadji
NDJAMENA BI-HEBDO N° 954 du 1er au 4 juin 2006