Le dialogue de sourds – N’DJAMENA BI-HEBO N° 957 du 12 au 14 juin 2006

En réaction à la pression de la communauté internationale lui enjoignant d’ouvrir un dialogue avec l’opposition, Idriss Déby a tracé un cadre tout opposé à celui de l’opposition, la société civile et la communauté internationale.

Le ministre de la Communication porte-parole du gouvernement a annoncé jeudi au sortir du conseil de ministres que le chef de l’Etat a instruit le gouvernement pour qu’il prenne l’initiative d’un dialogue avec la classe politique afin de ramener un climat politique sain et serein dans le pays. L’approche est par­tielle et ne peut résoudre une crise qui est un enchevêtrement de plu­sieurs guerres.

La communication du chef de l’Etat indique qu’il s’agira d’un dialo­gue « avec tous les acteurs politi­ques, un dialogue interne, tchado­-tchadien devant permettre aux Tchadiens eux-mêmes de se don­ner les moyens et la volonté politi­que de construire leur pays en renforçant les acquis démocrati­ques. Les partenaires peuvent être sollicités pour apporter des con­cours de tous ordres, financier, matériel et intellectuel, mais les étrangers ne doivent pas venir faire ce que les Tchadiens doivent et peuvent faire à leur place. Ce dia­logue traitera de toutes les ques­tions préoccupantes dans le cadre des institutions de la République, sans remise en cause des acquis démocratiques« .

Pour la plupart des leaders de l’opposition, il faut un dialogue sans exclusif sinon ils ne se laisseront pas prendre au jeu. La société ci­vile, à la base de l’appel à la paix et à la réconciliation nationale, qui a aussi demandé le dialogue estime que c’est une avancée. Seulement il faut ajuster la proposition gouver­nementale.

Tel que présenté, le dialogue de Déby qui veut des discussions tchado-tchadiennes est aux anti­podes du dialogue sans exclusif que demande l’opposition. Pour Idriss Déby, seuls les partis politi­ques légalisés prendront part à ce dialogue. Une telle démarche ne résoudra pas pour autant les pro­blèmes du pays et « ramener un climat politique sain et serein » comme le demande le chef de l’Etat.

Les forces rebelles restent aujourd’hui la plus grande menace pour le pouvoir de Déby Itno. C’est suite à leur raid manqué sur N’Djaména que la communauté in­ternationale a entrepris de presser Déby à aller au dialogue. Pour la communauté internatio­nale, il faut que l’opposition prenne acte de la réélection de Déby et accepte de dialoguer avec lui pour la mise en place d’une transition dirigée par un Premier ministre ayant les pleins pouvoirs. Ce que Déby n’acceptera pas. Surtout quand on lui demande de discuter avec ceux qui veulent le renverser par les armes. Il vient d’annoncer les cou­leurs qui ressemblent à plusieurs égards au schéma togolais.

Or, la crise que vit le Tchad ac­tuellement est une conjugaison de plusieurs crises qui doivent être résolues de manière globale si l’on veut que la paix revienne au Tchad et dans la sous-région. Or Déby Itno semble vouloir résoudre les problè­mes à sa manière. Laisser le gou­vernement négocier avec les partis politiques et lui anéantir les rebelles par les armes. Ces derniers déter­minés à faire tomber le régime pour­raient bouleverser le processus si on les en exclut. Il vaut donc mieux les associer au processus.

Les rébellions tchadiennes et cel­les du Darfour qui évoluent sur le même espace, le Darfour, tradui­sent l’antagonisme entre N’Djaména et Khartoum et restent une menace perpétuelle pour la stabilité de la sous-région. Les rebelles tcha­diens sont soutenus par le régime soudanais et cherchent à renver­ser le pouvoir en place à N’Djaména.

Ce dernier soutient les rebelles sou­danais contre le régime de Khar­toum et cherche à isoler son voisin sur le plan international.
Une situation qui complique la tâche pour la délégation du Conseil de paix et de sécurité arrivée à N’Djaména le vendredi 9 juin 2006. La délégation qui devrait rencon­trer les autorités tchadiennes et aller dans les camps des réfugiés traitera sans doute de la question avec les autorités tchadiennes. Si elle n’arrive pas à convaincre Déby Itno d’inclure les rebelles qu’il ap­pelle mercenaires dans son dialo­gue, la menace d’instabilité qui plane sur la sous région y demeurera encore pour longtemps.

Madjiasra Nako
N’DJAMENA BI-HEBO N° 957 du 12 au 14 juin 2006


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