Les ravisseurs sèment la panique dans le Mayo-Kebbi ouest – NDJAMENA BI-HEBDO N°958 du 15 au 18 juin 2006
Aux coupeurs de route qui écument les routes et pistes du Mayo-Kebbi ouest se sont ajoutés des ravisseurs des bergers, qui exigent des rançons colossales. Les éleveurs ne savent plus à quel saint se vouer. Le 23 mai 2006, quatre « gaïnako », entendez bergers, sont kidnappés par des malfrats à Zabi, un ferrick situé à 10 km au nord-est de Pala. Les ravisseurs ont exigé une bagatelle de 7 millions de francs CFA, pour la libération des otages. A l’expiration de l’échéance, ils ont envoyé, vendredi 9 juin dernier, un intermédiaire donner un ultimatum aux parents des otages. Les parents font le tour des marchés locaux avec des taureaux en vue de réunir la rançon. Le sort des otages dépend de la volonté de leurs ravisseurs.
L’insécurité est un fait réel dans la région du Mayo-Kebbi ouest, reconnaît le sous-préfet de Binder, dans le département du Lac Léré. Pakagne Lacké rappelle qu’en octobre 2005, des éleveurs venus de la zone de Mbraou, frontière entre Binder et Fianga, ont informé la brigade de la gendarmerie de Binder de l’enlèvement de trois de leurs enfants bouviers. Pour leur libération, une rançon de 3 millions de CFA a été exigée. Informées, les forces de sécurité ont tenté de tendre une embuscade aux malfrats le jour de la remise de la rançon. Malheureusement, à quelques pas de la cible, un élément du groupe a commis une bourde en tirant une balle en l’air. Une alerte qui à permis aux ravisseurs de s’échapper. L’explication que ce dernier donnera à son geste ne convaincra personne. L’opération a échoué. « Les malfaiteurs ont foncé jusqu’à la frontière entre Binder et Lagon avant d’abattre les trois enfants », a relaté le sous-préfet. Les cadavres de ces enfants ont été dévorés par les fauves.
Tout dernièrement, dans la même localité de Mbraou, 4 enfants ont subi le même sort. Cette fois-ci, de peur de voir les malfrats abattre leurs enfants, les parents ont refusé d’alerter les autorités qui échouent souvent dans leur intervention et, de ce fait, font planer un risque de mort sur les otages. Ainsi, ces parents ont réussi clandestinement à réunir la rançon afin de libérer leurs enfants. La pratique n’a pas plu aux autorités, qui ont fait payer leur audace aux éleveurs, parce que taxés d’être complices des ravisseurs !
Entre les malfrats, les autorités administratives et traditionnelles, les éleveurs savent plus vers qui se tourner. Aussi, pour se mettre à l’abri, nombreux sont les éleveurs qui ont préféré quitter la sous-préfecture de Binder pour s’installer autour de Léré. D’autres ont franchi la frontière tchadienne pour se retrouver de l’autre côté, au Cameroun.
Dans la zone de Padermé, sous-préfecture de Guégou, des enfants bouviers ont été enlevés pour le même motif et conduits dans la forêt de Mboursou. Et quand les parents se décarcassèrent encore pour honorer leur rendez-vous, les malfrats ont assassiné deux des quatre enfants. Les rescapés ont profité de l’inadvertance de leurs ravisseurs pour se retrouver à Bataou, village tchadien proche de Figuil, au Cameroun.
En décembre 2005, toujours à Mboursou, trois éleveurs ont été pris en otage. Les ravisseurs ont demandé 3,5 millions de FCFA de rançon. Les forces de l’ordre ont encore une fois de plus échoué dans leur tentative de cueillir les malfaiteurs au moment du dépôt de la rançon. Toute la population du village s’est décidée à investir la forêt où sont cachés les bandits. Se sentant encerclés, les kidnappeurs d’enfants ont pris leurs jambes au cou et l’opération a permis de récupérer les trois otages.
Face aux ravisseurs qu’on dit puissamment armés, les forces de l’ordre éprouvent toutes les difficultés à assurer la sécurité dans la région. Tant que des mesures énergiques ne seront pas prises par les autorités, ces ravisseurs pourront encore sévir longtemps, tant leur activité paraît bien juteuse.
Un parent des otages témoigne
Rencontré au marché de Binder le 3 juin dernier, un parent, dont l’enfant a été enlevé contre rançon avec quatre autres de son ferrick dans la sous-préfecture de Binder, témoigne de la réalité du phénomène.
Yougouda : « il y a deux mois, c’est autour de Binder que mon enfant et quatre de ses compagnons qui faisaient paître les bœufs ont été enlevés par des malfaiteurs. Les troupeaux que les enfants accompagnaient appartiennent à huit pères de familles. Quand les malfrats ont pris nos enfants, ils nous ont avertis par un intermédiaire qu’ils nous réclamaient 8 millions de FCFA, sans quoi ils allaient les tuer. L’intermédiaire nous disait que !es malfaiteurs nous tenaient à l’œil, tout mauvais geste de notre part allait coûter la vie de nos enfants. Nous avons contacté le Lamido de Binder pour informer le sous-préfet et la brigade, mais il nous a déclaré qu’il allait prier pour la libération de nos enfants. Un mois s’est passé sans suite. C’est par rapport au manque de réaction de nos autorités et craignant le pire pour nos enfants, que nous avons réuni la rançon demandée. Nous sommes 7 pères de famille à verser chacun un million de CFA; le 8eme n’ayant pas assez de bœufs a payé 500.000 FCFA. Au total, nous avons réuni 7,5 millions de FCFA, pour retrouver, Dieu merci, nos enfants vivants. Après la libération des enfants, nous avons quitté les lieux pour nous installer à Guizaï: Mais le lundi 28 mai 2006, les bandits nous ont encore suivis. Et comme aucune grande personne n’était dans le ferrick, les enfants en les voyant ont pris fuite. Depuis deux jours, nous avons encore déménagé de là pour nous retrouver à quelque 10 km de Binder. Nous ne sommes pas au bout de nos peines« .
Les coupeurs de route sévissent
Le 28 mai, sur l’axe Pala-Léré, la délégation régionale de campagne, qui venait dé Pala vers Léré pour l’organisation du jubilé du 3ème mandat de Déby Itno, est attaquée par des coupeurs de route. Une fuite .d’information au sujet de l’argent qui devait servir a l’organisation des festivités a Léré était à la base de cette attaque, susurre-t-on a Pala. Tout porte à -croire que les malfrats cohabitent avec les paisibles citoyens en ville. Heureusement pour la délégation, les coupeurs de route ont raté leur cible. La Toyota blanche attaquée n’est pas celle qui transporte le magot. Alertées, les autorités de Pala ont réagi, mais avec retard. Le temps de dépêcher les forces de l’ordre sur les lieux, les coupeurs de route se sont volatilisés.
Djéndoroum Mbaïninga Envoyé spécial
NDJAMENA BI-HEBDO N°958 du 15 au 18 juin 2006