Scabreuse utilisation des ressources pétrolières en 2005 – N’DJAMENA BI HEBDO N° 978 du 27 septembre 2006
Le rapport 2005 du Collège de contrôle et de surveillance des revenus pétroliers (Ccsrp), rendu public le 20 septembre dernier note qu’en général, un peu plus sérieux est mis dans l’exécution des projets.
« Dans l’ensemble, l’exécution des projets a été légèrement améliorée par rapport aux années précédentes, cependant, les missions sur sites effectuées par les membres du collège ont quand meêm relevées des irrégularités et des insuffisances qui vont certainement être corrigées », a déclaré le président du Ccsrp, Abdoulaye Lamana, dans son propos liminaire.
En plus du fait qu’il ait été publié avec retard, le rapport 2005 du Ccsrp qui rend compte de l’usage des revenus pétroliers n’est pas aussi fourni que les précédents. On note à la lecture qu’il s’agit d’un travail réalisé dans la précipitation, en témoignent les nombreuses coquilles et autres omissions qu’on y trouve, conséquence de la faiblesse des moyens mis à la disposition de cette institution dont le leitmotiv est de faire en sorte que l’or noir ne devienne pas une malédiction pour les Tchadiens. La modification de la loi 001 suivie de la crise avec la Banque mondiale étant intervenue à la fin 2005, avec ses effets sur le budget 2006. Il faut attendre le prochain rapport.
En 2005, les ressources directes de la vente du pétrole ont généré 117 milliards de nos francs. 93 milliards ont été affectés aux secteurs prioritaires, 17 au fonctionnement de l’Etat et 5 à la région productrice.
Les 93 milliards repartis entre les différents ministères dits prioritaires ont été utilisés pour la réalisation des infrastructures à travers le pays ou alloués comme subvention aux institutions. Seuls les ministères de l’Education nationale et de la Santé publique ont été autorisés à prélever 6,3 milliards de CFA pour le paiement des salaires. Le rapport indique aussi que le Ccsrp a accordé quatre avances de trésorerie au gouvernement d’un montant total de 38 milliards. « Ces avances ont été gagées d’une part, sur les timbres et les droits d’enregistrement des marchés et d’autre part sur l’appui budgétaire des partenaires « .
Le ministère des Infrastructures arrive en tête dans l’absorption de ces fonds (39%) suivi de l’Agriculture (14%). La santé et l’Education ont chacune 12%. Une partie du rapport est consacrée aux constats faits par les missions de contrôle du collège dans certaines localités.
Et c’est surtout l’utilisation de ce montant dégagé pour la réalisation des infrastructures qui a fait l’objet des missions de contrôle.
On s’empiffre…
Le rapport note qu’en général « les différents ministères initiateurs des projets financés sur les ressources pétrolières qui devraient suivre l’exécution de ces projets de bout en bout sont défaillants pour la plupart. Les entreprises récipiendaires font à leur tête dépassant allègrement les délais de fin des travaux et ne paient pas les pénalités prévues dans les clauses des marchés ».
Ainsi, pour le collège d’enseignement général de Moundou où deux salles sont construits, le rapport du collège note qu’il y a « des nombreuses fissures partout, le plancher n’est pas cimenté, la charpente apparemment fragile. En somme une mauvaise finition qui ne donne pas une bonne impression au bâtiment ».
Pour le fonctionnement du secrétariat permanent du comité provisoire de gestion des 5% de la zone productrice, un logiciel comptable (Saari) a été acheté à 6 millions de nos francs ainsi que deux appareils photos numériques au prix de 2.412. 000 FCFA!
A Fada où une mission du Ccsrp s’est rendue le 6 décembre 2005, le rapport évoque un marché gré à gré pour la construction de la clôture du service de la maternité. La mission écrit que « l’entreprise (Promobat) utilise pratiquement du remblai sous forme de sable. Elle utilise du gravier de mauvaise qualité. Les ouvriers etles techniciens du chantier interrogés disent qu’ils tamisent ces matériaux avant usage. Mais, ils sont restés confus lorsque nous avons voulu voir leurs tamis. En réalité, il n’y a pas un seul tamis sur le chantier. Quant à l’effectivité des travaux, il n’est pas nécessaire d’être technicien en la matière pour constater que ce chantier ne peut valoir le montant du marché (249.829.222 FCFA « .
Dans le Biltine, le rapport note que « le collège (Ndlr: Ccsrp) a déjà reçu les procès verbaux de réception des bâtiments avant de se rendre sur les sites. Sur ces procès verbaux, on constate que l’école de Bokoye a été déplacée et construite à Mata. Arrivés à Mata, nous n’avons vu que les deux classes initialement prévues. Donc les deux classes de Bokoye ne sont ni construites à Mata, ni à Bokoye ». Il est ensuite recommandé que « les responsables de l’éducation qui ont signé les procès verbaux répondent et que l’entrepreneur indique les raisons de cette réception que nous considérons fictive. Nous demandons que des investigations soient faites afin de dégager les responsabilités et si possible de demander le remboursement de la valeur des salles de classe de Bokoye qui est de 22.609. 000 FCFA « .
Les responsables du collège ont cependant fait remarquer que la tendance générale est à l’amélioration de la qualité des ouvrages. « Contrairement aux années précédentes, les gens font plus attention en se disant que le contrôle risque de passer », a déclaré le président du collège. Seulement, les constats du collège transmis à la Cour suprême n’ont pas des suites jusque-là. Ce qui montre les limites de la dissuasion que représentent les missions de contrôle, surtout qu’elles ne couvrent pas l’ensemble des projets.
Des débuts de solutions sont en train d’être trouvés, du moins sur le plan technique. Le suivi de la construction des bâtiments par exemple est effectué par les services du ministère des Infrastructures ou des cabinets sous leur supervision.
Il faut noter enfin qu’au cours de l’année 2005, le Ccsrp a donné son accord pour 124 projets d’un montant de 83.914.584.667 FCFA et a désapprouvé 72 projets. Du côté des paiements, 98 accords de paiements ont été donnés pour un montant de 74.825.915.983 et 23 mandats ont été rejetés pour des irrégularités diverses.
Madjiasra Nako
N’DJAMENA BI HEBDO N° 978 du 27 septembre 2006