Les pharmacies font place aux boutiques des médicaments – L’Observateur N° 393 du 11 octobre 2006

Profitant du laxisme de l’administration publique, de plus en plus des commerçants se transforment en promoteur des dépôts pharmaceutiques au détriment des pharmaciens. Alors qu’ils appartiennent à une profession libérale, les 39 pharma­ciens tchadiens sont tous des fonctionnaires. 20 d’entre eux seulement disposent des pharmacies, plus ou moins, achalan­dés dont ils confient la gestion, le plus souvent, à des infirmiers. C’est le malade qui en fait les frais.

Vendredi 22 septembre 2006, il est 10h, la porte de la pharma­cie de la Fontaine est grande ouverte, cet officine appartient à un pharmacien. Située en face du pavillon des urgences, il n’y avait pas du monde. L’un des deux gérants, un gestionnaire de formation, nous accueille. La pharmacie est abritée par une pièce d’à peu près 6m2. les produits sont entassés pêle-mêle, dans un dés­ordre total, sur des étagères qui couv­rent les trois côtés de la pièce. Les anti­biotiques en solution liquide partagent les mêmes rayons que les comprimés. Si on trouve du bactrim 100mg ici, il faut chercher le bactrim 200mg un peu plus loin. Sur le sol entre le comptoir et les étagères, une natte est étalée. Elle sert de couchage aux heures chaudes de la journée. La peinture du mur est défraî­chie par le temps. Les rayons sont dégarnis. Le patient qui entre ne peut pas avoir droit aux conseils d’un phar­macien.

A 50 mètres de là, se trouve le dépôt pharmaceutique Zongo. Ici, le décor est tout autre. Les couleurs sont fraîches, la peinture rutilante, les vitres sont propres. Juste derrière le comptoir, se trouve un frigo qui permet de conserver à une cer­taine température, des produits nécessi­tant la fraîcheur, tels que les solutions antibactériennes, les réactifs de gros­sesse… Malgré les coupures intempes­tives de la STEE, un petit groupe électrogène prend le relais de temps à autre. Chaque médicament à son rayon et est classé suivant l’ordre alphabétique et le dosage par milligramme. Le dépôt s’approvisionne au Laborex. Le gérant, un des coactionnaires du dépôt, ges­tionnaires de formation nous parle de la rigueur des services d’inspection de la DPML. « Ils ne font pas de cadeaux en ce qui concerne les conditions de conser­vation des produits. Actuellement ils nous harcèlent pour la réformation de notre dossier qui a connu un petit bouleversement. Suite au décès de notre co­actionnaire l’infirmier, il faut trouver absolument un infirmier à sa place sinon le Ministère de la Santé Publique nous retirera l’autorisation de fonctionner ».

En effet, au Tchad, la loi distingue une officine de pharmacie, d’un dépôt phar­maceutique. La pharmacie peut vendre tout produit médical et est la propriété d’un pharmacien. Elle est créée par un décret présidentiel. Tandis qu’un dépôt pharmaceutique peut être ouvert par un infirmier ou un personnel de la santé. Il est limité dans son offre en médica­ments par une liste. Cette liste ne contient que des produits de premiers soins. Les dépôts pharmaceutiques ne figurent pas sur la liste des pharmacies de garde. Au Tchad, il existe 120 dépôts pharmaceutiques répartis dans l’ensem­ble du territoire. Ils sont ouverts par un arrêté ministériel après avis de la DPML qui contrôle, également, leur fonctionne­ment.

En dehors des rares pharmacies qui continuent à offrir une gamme importan­te de médicaments à leurs clients, la plu­part d’entre elles font face à une rude concurrence. Leurs rayons se rétrécis­sent de plus en plus, comme une peau de chagrin. A l’instar de la pharmacie de la Paix, nombreuses tiennent encore, plus par habitude que par mercantilisme. Les dépôts pharmaceutiques sont très souvent les propriétés des commerçants qui utilisent des prêtes noms. Raison pour laquelle, ils investissent dans leur « boutique » sachant bien que les malades ne manqueront pas. Comme c’est le cas d’ailleurs, de la quasi totalité des phar­macies dont la gérance est confiée aux gestionnaires et autres personnes qui n’appartiennent pas au corps médical. Pire, ces dépôts pharmaceutiques sont transformés en mini centre de soins où on y fait des injections aux malades. Dans certaines « pharmacies », on peut s’y faire consulter par des infirmiers, en retraites ou qui rallongent leurs fins de mois.

Dossier réalisé par Réndodjo Em-A Moundona
L’Observateur N° 393 du 11 octobre 2006


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