Un pouvoir énigmatique – N’DJAMENA BI-HEBDO N°983 du 12 au 16 octobre 2006

Difficile de se faire une idée précise de ce qui se passe aujourd’hui au Tchad. Alors qu’ils nous avaient habitués à de déclarations officielles à tout propos, force est de constater que nos dirigeants font preuve d’un mutisme ou d’une discrétion inhabituels ces jours-ci. Jugez-en: Déby Itno est rentré du front il y a plus de vingt jours après des combats que tous les observateurs s’accordent à qualifier de particulière­ment durs. A ce jour, aucun bilan n’est publié. Bien plus, la situation militaire a déserté l’agenda officiel.

On notera dans la foulée que le chef de l’Etat se sera abstenu d’honorer ses rendez-vous internationaux: le sommet de la francophonie de Bucarest où le Tchad ne sera représenté que par le ministre des Affaires étran­gères et de l’intégration africaine et la cérémonie du rapatriement des restes mortels de Pierre Savorgnan de Brazza. Pour qui connaît IDI, seules des circonstan­ces exceptionnelles peuvent l’avoir conduit à « sécher » pareilles rencontres. Certaines sources laissent enten­dre que le PR a réduit son emploi du temps au strict minimum pour ne pas dire plus.

Au niveau même du gouvernement on aura remarqué que la communication a changé de nature. Tout le monde se souvient que IDI avait annoncé, avec fracas, le renvoi des compagnies Pétronas et Chevron, coupables de ne pas s’être acquittées de leurs devoirs vis-à-vis de l’Etat tchadien. La prise de position du numéro un tchadien aura donné lieu à une vaste campagne de mobilisation autour de cette cause nationale. L’an­nonce du dénouement de la crise ne viendra, elle que par le biais d’un laconique communiqué du ministre des Finances: comme une vulgaire affaire de redressement fiscal? Pourtant, le moins que l’on puisse dire est que le gouvernement vient de marquer incontestablement un grand coup. Qu’est-ce qui peut bien expliquer que le gouvernement affiche un triomphe si modeste? En d’autres temps, l’on a vu les hauts responsables de ce pays plus exubérants et plus expansifs. On se rappelle qu’ils n’ont pas hésité à tirer des coups de feu en l’air pour manifester leur joie.
Dans le même ordre d’idée, beaucoup n’ont pas man­qué de noter que NGO avait un ton de voix assez bizarre lors du prononcé de son discours inaugural de la session budgétaire de l’assemblée nationale. Alors que se passe t-il pour que subitement le pouvoir fasse preuve d’un effacement relatif alors que tout incite plutôt à manifes­ter une présence plus affirmée.

D’abord sur le plan militaire, le silence du pouvoir laisse libre cours à toutes les interprétations. Au bilan opposé par l’adver­saire, la seule réplique semble être les divisions suppo­sées de la rébellion. S’agissant de l’heureuse conclusion du bras de fer avec Pétronas et Chevron, l’attitude du pouvoir semble indiquer le but ultime de la manœuvre: l’entrée du Tchad dans le consortium pétrolier qui est loin d’être un fait acquis. A-t-on fini d’apprendre enfin ­à être modeste ou bien la situation générale est bien plus mauvaise qu’il n’y parait?
Wait and see.

La Rédaction
N’DJAMENA BI-HEBDO N°983 du 12 au 16 octobre 2006


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