La nouvelle donne de l’Ufdd – N’DJAMENA BI-HEBDO N° 988 du 30 octobre au 1er novembre 2006
Mahamat Nouri et Acheikh Ibn Oumar ont frappé un grand coup médiatique pendant les trois journées de la semaine dernière où leur mouvement, l’Ufdd, a opéré une incursion dans les régions du sud-est du pays. Mais l’incursion de ces briscards, très médiatisée, a une grande portée politique que les Tchadiens se doivent d’en tirer des leçons.
La première grande leçon et la plus évidente, c’est qu’à côté des deux traditionnels blocs de rébellions (Fucd et Rafd) auxquels se brisent depuis octobre 2005 les forces loyalistes, Idriss Déby Itno devra désormais compter parmi les causes de son insomnie une troisième: l’Ufdd. Aussi, l’Ufdd vient de se signaler sur le terrain et en prouvant qu’elle a les moyens de se battre. Si Idriss Déby feint d’ignorer ce message, ses parrains français qui lui assuraient la couverture aérienne l’ont très bien compris et tentent de le lui relayer.
Sur aucun théâtre des combats au monde l’on a entendu un agressé, au contraire de l’agresseur, gloser pendant deux journées sur un tir de missile que son avion a de surcroît essuyé. Cela paraît louche, cependant en le faisant, la France voudrait prendre à témoin l’opinion pour ensuite signifier à Déby Itno que son espace aérien est devenu dangereux et qu’elle ne pourra plus le sécuriser. Dans ces conditions, Déby continuera-t-il à préférer l’action militaire pour arriver à bout de ces mouvements rebelles à l’est du pays ou sera-t-il contraint d’accepter l’idée d’un dialogue politique inclusif qui renaît par ailleurs?
La deuxième grande leçon à tirer vient de la gestion de la contre offensive à cette incursion. A N’Djaména, comme en avril dernier face au raid du Rdl, des milliers d’armes de guerre ont été distribués aux jeunes qui se reconnaissent du clan au pouvoir. Ainsi, il est désormais établi que chaque chef de guerre compte sur les siens. La conséquence immédiate de cette nouvelle situation a été cette bévue d’arrêter des officiers apparentés aux responsables de l’Ufdd qui ne veulent plus se battre avec des moyens rudimentaires, alors que leurs frères d’armes du clan au pouvoir disposent des moyens et des armes sophistiqués. Même si cette arrestation a été démentie par la suite par le ministre de la Défense, la rumeur a eu le temps de saper les esprits des membres des communautés mises en cause, notamment, arabe et gorane. La conséquence à long terme sera une nouvelle saignée des rangs de l’Armée vers la nouvelle coalition constituée. Mais l’occasion fait le larron, le Cdr d’Acheick Ibn Oumar qui avait disparu du paysage politique tchadien, avec armes et bagages, n’aura plus de mal à se reconstituer. Et lorsque l’on sait que Idriss Déby a, à un moment donné, compté sur ces deux communautés pour combattre le Fucd et le Rafd, on se demande sur qui comptera-t-il désormais pour faire face au front unifié que tentent de mettre en place les leaders de ces trois blocs de rébellion.
Tels sont quelques enseignements sur lesquels devraient méditer nos dirigeants pour apprécier à sa juste dimension la nouvelle donne que vient d’introduire l’Ufdd dans le paysage politico-militaire tchadien.
La Rédaction
N’DJAMENA BI-HEBDO N° 988 du 30 octobre au 1er novembre 2006