Détournement à la Ceni: Le scandale de l’année – N’DJAMENA BI-HEBDO N°991 du 9 au 12 novembre 2006
Outre le détournement de 130 millions de la Ceni, Mariam Attahir comparaîtra devant le tribunal pour tentative de corruption sur les agents de l’Ans avec 10 millions de F CFA.
Le détournement des 130 millions sur les fonds alloués à la Ceni pour l’organisation de l’élection présidentielle de 2006 est le scandale de l’année parce qu’il éclabousse trois responsables de cette institution et un agent de la Sgtb, la banque où les cinq milliards pour l’organisation des élections avaient été logés. Il s’agit du président de la Ceni, de la trésorière et du comptable.
Les deux derniers, notamment le comptable et la trésorière, sous les verrous depuis un bon bout de temps ont été rejoints le 3 novembre dernier par le gestionnaire du compte de la Ceni à la Sgtb. Mais les gestionnaires de la Sgtb crient au scandale car selon eux, le gestionnaire d’un compte n’a que pour rôle de vérifier si le compte est approvisionné ou non. Ensuite, l’acte si delictieux, soit-il, n’engage que la responsabilité de la Banque. Pour l’instant, le président de la Ceni, actuel ministre de l’Administration du territoire, échappe encore à la procédure judiciaire.
Selon des sources proches de l’enquête, l’histoire des deux chèques encaissés par le comptable remonte au mois d’avril 2006. La trésorière de la Ceni, Mme Mariam Attahir, avait demandé au comptable, Nohou Outhman Issa, de remplir deux chèques, l’un à un montant de 18 millions et l’autre à 4 millions F CFA. Aussi, Mariam Attahir aurait instruit le comptable de laisser suffisamment d’espace pour contenir des rajouts au cas où le président de la Ceni exprimerait des besoins financiers au moment de la signature de ces deux chèques. Ainsi, les deux chèques avaient été signés et c’est également sur les instructions de Maham Attahir que le comptable avait alors opéré les rajouts pour transformer le chèque de 18 millions en 118 millions et de 4 en 34 millions. A la banque, le gestionnaire du compte de la Ceni avait payé pour le chèque de 34 millions mais a rejeté celui de 118 millions sous prétexte que le chiffre 1 du début du libellé du montant n’était pas aligné à la même hauteur que les autres. Devant ce rejet, le comptable avait appelé de la Sgtb la trésorière pour conduite à tenir. Mariam Attahir lui a demandé de rapporter ce chèque afin qu’un autre soit émis.
De retour au siège de la Ceni et sur les fonds de 34 millions encaissés, le comptable a procédé pendant deux jours au paiement des indemnités et salaire du personnel de la Ceni. Au troisième jour, un décès dans la famille de Nohou Outman Issa le cloue à la maison. Celui-ci renvoie par le chauffeur le reliquat de cet argent, dans une mallette à Mariam Attahir à qui Nohou communiquera par téléphone le code d’ouverture de la mallette. Ce reliquat a permis à la trésorière de continuer le paiement des indemnités des membres de la Ceni pour une bagatelle de 5 millions de FCFA. Et lorsque Nohou se présenta à la fin de son deuil, 11 jours plus tard, au bureau, la trésorière lui réclama le chèque de 118 millions rejeté par la Sgtb. Avec le chèque en main, la trésorière fait mine d’entrer au bureau du président de la Ceni et revient sur ses pas remettre au comptable le fameux chèque. Elle dit alors au comptable de se présenter au guichet de la Sgtb et qu’elle touchera par téléphone le gestionnaire du compte pour le servir. Arrivé à la Sgtb et ayant constaté que la trésorière n’a pas appelé, le comptable a mis en contact par téléphone la trésorière et le gestionnaire de la Sgtb. Ce n’est qu’après ce coup de fil que le comptable a été servi.
De retour de la banque, le comptable est allé remettre les 118 millions à sa trésorière. Quelques jours plus tard, se rendant compte qu’il est écarté de plus en plus de ses fonctions de comptable, Nohou Outman Issa réclama à Mariam Attahir le reçu cumulé des fonds qu’il lui a remis, notamment pour le reliquat des 34 millions et les 118 millions. Ce reçu, d’un montant de 130 millions de FCFA a été établi. La trésorière a préféré garder l’original et n’a remis que la copie à Nohou Outhman Issa.
Au mois de septembre 2006, l’agitation des membres de la Ceni pour percevoir leurs indemnités a permis de découvrir qu’il y a un gap de 130 millions. Mis sous pression, le président de la Ceni invita le comptable à le rencontrer. Arrivé sur les lieux du rendez-vous, le comptable trouva également la trésorière. Le président de la Ceni confronta ces deux personnes. Nohou lui raconta sa version et présenta son reçu de 130 millions FCFA.
Après cette rencontre, le président de la Ceni aurait demandé au comptable de passer prendre les 130 millions de FCFA manquants chez Mme Mariam Attahir pour les verser sur le compte de la Ceni à la Sgtb, proposition que Nohou Outhman refusa net.
Face au refus de Nohou, le président de la Ceni Bachir Ahmat prend les devants pour écrire au président de la République avec ampliation à l’Agence nationale de sécurité (Ans). Dans cette correspondance, le président de la Ceni relate les accusations et les réfutations de la trésorière et du comptable de la Ceni.
L’Ans se saisit de l’affaire et interpelle en premier lieu le comptable qui sera suivi quelques jours plus tard par Mariam Attahir. L’enquête de l’Ans a révélé qu’en un laps de temps, les mouvements sur le compte personnel de Mariam Attahir en banque ont dépassé trois cents millions de F CFA. Pour justifier ces mouvements de compte, Mariam Attahir a avancé que ce sont des fonds politiques remis par le chef de l’Etat et la première dame pour organiser des manifestations. Aussi, a-t-elle demandé aux enquêteurs de l’Ans de la protéger en leur libellant un chèque de 10 millions FCFA.
L’Ans a joint ce chèque au rapport d’enquête qu’il adressa au chef de l’Etat. Celui-ci a décidé de confier l’affaire à la justice. En attendant la clôture de l’instruction judiciaire, certaines personnes pronostiquent le déballage de l’affairisme qui avait cours sur les marchés de service et fournitures attribués par la Ceni. Ainsi, apprend-on déjà que le marché des rideaux pour les isoloirs était exécuté par la sœur du président de la Ceni, celui des cadenas par le frère de la trésorière et des lampes tempêtes par le frère à Aziza Baroud, membre également de la Ceni. Ce sera un procès riche en personnalités politiques si jamais il y a procès.
Jean Claude Nékim
N’DJAMENA BI-HEBDO N°991 du 9 au 12 novembre 2006