Les conditions objectives d’une chute – N’DJAMENA BI-HEBDO N°991 du 9 au 12 novembre 2006
Une fois de plus, le sort du pouvoir à N’Djaména va se jouer à Tripoli. Alors que le commun des Tchadiens attend la publication d’un bilan sur les derniers affrontements entre les rebelles et les forces gouvernementales à l’est du pays, l’on apprend que Idriss Déby Itno effectue un déplacement à Tripoli. Certes, IDI nous a habitués à des déplacements en Jahamaryia, mais cela remonte au temps où le Tchad était essentiellement dépendant de ressources peu conventionnelles.
Pays pauvre parmi les plus pauvres, le Tchad était lié aux institutions de Bretton Woods qui avaient un oeil vigilant sur les comptes. Depuis que le Tchad est producteur de pétrole, et singulièrement au moment où IDI l’a fait « rentrer dans ses droits », une visite de IDI en Libye pose problème. En même temps, il faut souligner que l’histoire ne cesse de se répéter. Tombalbaye s’est rendu chez le jeune et bouillant colonel libyen espérant conjurer le sort: la rébellion a monté en puissance ouvrant la voie au coup d’Etat militaire. Les militaires du Csm se sont épuisés en rencontres de Tripoli et autres accords de Khartoum, Hissène Habré et le Frolinat ont pris le pouvoir à N’Djaména. En 1990, le même Hissène Habré et l’Unir avaient beau vitupéré contre la légion islamique et consorts, un certain Idriss Déby a pris le pouvoir à N’Djaména. Dans un cas comme dans l’autre, les différents acteurs avaient été mis à l’index: le Soudan et la Libye. N’Djaména a toujours, naïvement, cru jouer l’un contre l’autre. Résultat: la perte du pouvoir.
Que IDI se rende aujourd’hui à Tripoli, au moment où tout le monde pense que l’Ant prépare une grande offensive pour « définitivement anéantir la rébellion », paraît assez curieux. Kadhafi a réconcilié IDI et El Béchir dans les conditions que l’on sait. En aucun moment Kadhafi est apparu comme partie dans la crise actuelle: qu’elle soit tchado-tchadienne ou soudano-tchadienne. A moins que le pouvoir nous ait caché la vérité sur ce qui s’est passé ces dernières semaines, on ne comprend pas pourquoi IDI effectue un déplacement à Tripoli alors que d’autres défis interpellent son attention, parmi lesquels l’affrontement communautaire du Salamat qui a fait de nombreuses victimes et pour lequel plusieurs ministres et hauts dignitaires ont fait le déplacement apparemment sans avoir résolu le problème. Que la crise du Darfour fragilise la situation dans la sous région est une évidence. On se rappelle que IDI a installé Bozizé au pouvoir à Bangui. Il a créé un précédent et tous ceux qui peu ou prou sont hostiles à Bozizé ou qui lui en veulent, c’est sans doute le cas de El Béchir, ne peuvent que frapper là où il sentira mal.
En dernière analyse, le problème ou la solution réside au Tchad. Déby, en ignorant, royalement, les offres de paix de ses compatriotes, crée les conditions objectives de sa chute. Pas plus que Tombalbaye, Malloum ou Hissène Habré, à défaut d’une réelle assise populaire, la survie de son régime dépend de ses voisins. Les Etats sont réputés n’avoir que des intérêts. IDI semble n’avoir rien compris à cela.
La Rédaction
N’DJAMENA BI-HEBDO N°991 du 9 au 12 novembre 2006