La CPDC appelle au boycott de la présidentielle (LE TEMPS N°472 du 29.03.06)
Samedi 25 mars 2006. Il était 8h 30. Par petits groupes à pieds, à vélos, à motos ou en voiture, une impressionnante foule prend d’assaut le Palais du 15 janvier. La salle du spectacle est pleine à craquer. Tout ce grand monde est venu écouter le message de boycott de la coordination des partis politiques pour la défense de la constitution (CPDC).
D’entrée de jeu Mahamat Dahalob, dans un arabe dialectal, a expliqué les raisons qui ont conduit les partis de l’opposition regroupés au sein de la CPDC à appeler au boycott. Pour lui, si l’opposition est arrivée à cette solution, c’est parce que le pouvoir MPS a refusé de prendre en compte le mémorandum des partis soumis à son appréciation. Face à cette intransigeance du pouvoir qui cherche par tous les moyens à rééditer le hold-up des scrutins précédents, la coordination a décidé de ne pas cautionner ce simulacre d’élection. Une intervention applaudie à tout rompre par les militants.
Naimbaye Lossimian Raymond, un autre ténor de la coordination, lui a emboîté le pas. Dans un ngambaye très raffiné, il a exhorté les militants de la CPDC à opposer une résistance contre ceux qui tentent d’instaurer la dictature avant de conclure que le préambule de la constitution l’y autorise. Il n’a pas pris des gants pour dénoncer l’activisme éhonté et digne de l’époque coloniale de l’ambassadeur de France au Tchad, M. Jean Pierre Berçot. Un ambassadeur, soutient Naimbaye lossimian, a pour de faciliter les relations entre son pays et le pays hôte mais ce n’est pas le cas chez Berçot qui met son nez partout dans les affaires qui ne regardent pas.
Le président du RDP Lol Mahamt Choua, intervenant à son tour, souligne qu’en dépit des obstructions du pouvoir MPS qui s’enlise dans l’option de parti-Etat, la CPDC n’a cessé d’informer les Tchadiens et d’indiquer la voie à suivre pour sortir le pays de cette dangereuse impasse et offrir quelques raisons d’espérer à cette population à qui on refuse le pain, l’éducation, la santé, l’eau, l’électricité et la quiétude. Au sujet de l’économie, le député Lol estime qu’avec la chute du président Habré «nous avons tous cru en la fin de la gestion calamiteuse de notre potentiel humain et économique». Mais force est de noter que la situation du pays ne fait se dégrader du fait de l’amateurisme et l’aveuglement de ceux qui se sont emparés du pouvoir, a-t-il ajouté. Concernant la crise sociale, M. Lol Mahamat Choua a dénoncé l’insouciance du pouvoir face aux préoccupations du peuple. Il n’entend pas écouter les cris de détresse, ni tenir compte des propositions de l’opposition pour sauver notre démocratie balbutiante. Pour le leader du Rassemblement pour la démocratie et le progrès, le pouvoir actuel n’œuvre que pour la destruction du tissu économique, de l’Etat et la mise à mal de la cohésion nationale.
A propos du bras de fer Tchad/Banque mondiale, M. Lol relève qu’avec la modification unilatérale de la loi sur les revenus pétroliers en violation des engagements pris avec la Banque mondiale et tous les partenaires engagés dans cet important projet, le gouvernement a définitivement convaincu la communauté des bailleurs qu’il n’en a cure des principes de gestion saine et rigoureuse des biens publics. Cette légèreté a pour conséquence l’arrêt des flux financiers internationaux vers le pays. Une baisse drastique des recettes publiques avec pour corollaires les problèmes sociaux de plus en plus aiguës. Les travailleurs doivent refuser d’en faire les frais, conseille Lol Mahamt Choua.
Parlant de la situation qui prévaut à l’Est du pays l’élu de Mao annonce que la situation militaire n’augure rien de prometteur pour les paisibles citoyens. Le président Deby a voulu d’une armée non républicaine à sa dévotion. Aujourd’hui cette armée, affirme Loi, se retourne contre lui. Et il ne pourra pas arrêter cette révolte ni arrêter l’intensification des désertions et des combats, souligne le patron du RDP. Se refusant à entendre la voix de la raison et de la sagesse en s’obstinant à frustrer et humilier les Tchadiens, en croyant que seuls comptent la roublardise, l’achat de conscience et la brutalité, Deby s’est engagé dans une voie qui ne peut conduire qu’à la fin de son système et de son règne. Ce, à très court terme, prédit Lol Mahamat Choua qui a par ailleurs invité les militants de la CPDC et l’ensemble des Tchadiens à se préparer en s’organisant, en renforçant leurs capacités de mobilisation et d’action, pour empêcher la pseudo présidentielle du 3 mai 2006.
Le président du RDP réaffirme que personne ne peut contraindre la CPDC à participer à des simulacres d’élection, fut-il ambassadeur de la République française. Il a saisi cette occasion pour relever que, depuis quelques temps, l’ambassadeur de France s’illustre par le mépris à l’égard de l’opposition démocratique, par le dénigrement systématique de la société civile autonome et par la diabolisation de la presse non inféodée au pouvoir, déploie une intense activité pour entraîner l’Union Européenne et toute la communauté internationale dans le soutien qu’il apporte de façon flagrante et grossière au pouvoir finissant du président Deby. L’acharnement à vouloir appliquer le modèle togolais ne passera pas, le vide institutionnel, synonyme selon lui de chaos n’effraye pas, avertit le président du RDP. Quand on ne sait pas et ne peut pas gouverner, on rend le tablier conseille le député Lol.
Les trafics d’influences, voire les menaces d’intervention des corps expéditionnaires ne peuvent
pas avoir raison de la détermination de l’opposition démocratique à faire avancer le pays sur le chemin de la démocratie et du développement durable a fait remarquer le leader du RDP avant d’indiquer que le peuple tchadien est persuadé que le comportement de M. Jean Pierre Berçot ne vise pas les intérêts du peuple français et de l’Etat français. Il a ensuite lancé un appel solennel au gouvernement et au peuple français, au président Jacques Chirac en particulier de tirer les conséquences de l’activisme de l’actuel ambassadeur de France qui risque d’entraîner son pays dans un traquenard, un bourbier sanglant. Il faut se mobiliser pour empêcher la fuite en avant, le passage en force du MPS et imposer par-là le dialogue national qui définira une nouvelle transition, a conclu Lol Mahamat Choua avant de passer la parole à Ibni Oumar Mahamat Saleh.
Dans un discours bref et dense, ce dernier, porte-parole de la CPDC, a tenu en haleine toute la salle, indiquant que le moment décisif est arrivé. Les élections que prétend organiser Déby n’auront pas lieu quel qu’en soit le coup, a martelé Ibni Oumar Mahamat Saleh pour qui cette élection est à sens unique parce que n’ayant pour réel candidat qu’ ldriss Déby Itno accompagné des candidats faire valoir. Et le secrétaire général du Parti pour les libertés et le développement de rappeler aux militants qu’en deux ans d’existence, la CPDC a remporté beaucoup de victoire, c’est le cas du référendum de juin dernier. Demain elle montrera par d’autres voies pour clouer au pilori Déby et ses sbires conclut Ibni oumar Mahamat Saleh.
Comme prédit un participant: «Les jours à venir promettent des chaudes empoignades entre le pouvoir et l’opposition».
Laldjim Narcisse Mbainadji
LE TEMPS N°472 du 29.03.06