Le refus de la vérité – Le Temps N° 479 du 17 au 23 mai 2006
Au-dessus de la mêlée des débats stériles où diatribes, proses pamphlétaires ou lapidaires ont supplanté les débats d’idées, loin des raisonnements simplistes ou des discours creux dont le seul but est de masquer la face hideuse d’une réalité qui nous colle la peau et que certains confrères refusent après toute honte bue; de reconnaître comme telle, loin de chercher à plaire ou à aduler par des discours complaisants et mesquins une quelconque hiérarchie pour attirer sur nous sa baraka, nous nous limiterons aux faits, rien qu’aux faits pour rafraîchir la mémoire de ces confrères obnubilés, aveuglés dans leurs courses effrénées à la quête des biens bassement matériels et ce, en sacrifiant sur l’autel de la honte l’éthique de notre noble métier.
En professionnel consciencieux, l’honnêteté intellectuelle nous astreint au minimum respect des règles de la déontologie et de l’éthique de ce métier. Retracer les faits tels qu’ils sont, dire la vérité telle qu’elle est, reconnaître avec modestie et humilité les manquements, les ratés, bref les dérives qui mettent à mal notre société…c’est en cela que nous, témoins privilégiés de l’histoire, aurons rendu service à notre société, très mal en point.
L’entrée de la démocratie au pays de Tournai, cela personne ne démontrera le contraire, est l’oeuvre de Déby et ses compagnons d’arme. En renversant le dictateur Hissein Habré, Déby et compagnie ont libéré les Tchadiens des tentacules d’une sombre dictature. Vente incontestable! Mais les vertus cardinales nous astreignent également à reconnaître que depuis 1990, date de prise du pouvoir par IDI, la situation socio-politique et économique du pays est allée dégradante dans le pays de Toumâi, Ignorez-vous chers confrères, que chez nous, les bonnes mœurs ont depuis fait place à la corruption, à la gabegie, au clientélisme, aux forfaitures…? Que dans nos institutions étatiques, plus de 90% de responsables sont des parvenus n’ayant aucun profil requis? Que dans tous nos ministères, le bakchich est devenu le maître mot? Ignorez-vous seulement qu’au Tchad, les forces de l’ordre sont devenues les véritables ennemis des citoyens, et les douaniers, grands arnaqueurs des commerçants et tueurs d’innocents dans leurs folles courses- poursuites ? Qu’il ne se passe pas un seul jour où des citoyens sont humiliés, rançonnés, rudoyés par ceux-là même censés les protéger? Ignorez-vous qu’au Tchad, nous vivons dans une jungle où la loi du plus fort est la meilleure, que des tarés, analphabètes de surcroît truffent nos grandes écoles et dirigent les institutions de notre pays?
Le nom d’Adouma ne vous évoque-t-il pas la haute magouille au sein de l’Etat tchadien? Que des entreprises fictives montées de toutes pièces par les hommes du sérail engloutissent des faramineuses sommes destinées à la réalisation des grands projets de l’Etat? Que sont devenus les projets de construction de la mini raffinerie de Farcha, le projet national d’élevage (PNE), le Projet de développement intégré pour le Salamat (PDIS), le Projet pour le soutien agricole et pastoral (PSAP), les projets de construction des infrastructures routières, la construction des écoles, château d’eau, dispensaires et hôpitaux sur le fonds pétrolier ? Tous ces projets ont permis à certains ; pontes du pouvoir de grossir leurs comptes bancaires, agrandir leurs parcs automobiles. Nous n’oublions pas les bons de caisse administratifs et factures de l’Etat à multiple décaissements, le saignement à blanc par les dignitaires du pouvoir de nos trésors et régies financières, véritable hémorragie financière qui handicape le pays et l’expose à la banqueroute ?…Avez-vous la mémoire aussi courte au point d’oublier que notre pays le Tchad a été il y a peu, une plaque tournante dans le trafique de la drogue, des faux billets; et de blanchiment des billets de banque? Quel résultat ont donné les milliards octroyés par la BM pour le redressement de la Société tchadienne d’eau et d’électricité (STEE) ? ,’ Ignorez-vous aussi que les élèves étudient à même le sol, que les infrastructures, scolaires, routières sont inexistantes,que les Tchadiens manquent d’eau potable?
De l’insécurité, nous ne gardons que des souvenirs obscurs, car des brigands essaiment nos villes et campagnes. Que des commandants de brigades règnent en roitelets, que des conflits communautaires, à défaut de règlements objectifs font chaque année des centaines de morts chez nous ? S’il est vrai que la démocratie au Tchad est encore à ses débuts et les élections truffées de cafouillages, la modification de la constitution mettant fin à l’alternance n’est qu’une basse alchimie du MPS pour éterniser le pouvoir de IDI. Chers confrères reconnaissez que le Tchad va mal et le rôle que vous et nous en tant que professionnels de la communication est celui d’aider nos dirigeants à sortir le pays du gouffre dans lequel il est plongé.
Editorial
Le Temps N° 479 du 17 au 23 mai 2006