IDI endosse à jamais la tunique du coupable – Le Temps N°481 du 31 mai au 06 juin 2006

tuni En montant sur ses grands chevaux pour étrenner ses grands desseins confiscatoires du pouvoir, à tout prix, faisant fi des appels du pied des di­vers acteurs et partenaires en faveur d’un dialogue non exclusif comme le démontre le processus électoral ac­tuel, Idriss Déby Itno porte à lui seul la responsabilité du blocage politi­que et peut-être d’une éventuelle im­plosion du pays. Ainsi le Conseil constitutionnel habille, à son tour, Idriss Déby Itno de sa déguisée tunique juridique pour une troisième pige à la tête du Tchad. Cela- après que la très inféodée Com­mission électorale nationale indépendante, CENI, lui ait « commandé  » des chiffres soviéti­ques (77.53% pour un taux de participation de 61,49%) pour concocter sa victoire dès le pre­mier tour des présidentielles sans enjeu du 3 mai 3006. Croyant mieux faire en ramenant la barre à un seuil qu’il aura sans doute jugé un peu acceptable au regard de la réalité du boy­cott massif et de l’indifférence totale du 3 mai, le Conseil constitutionnel a réduit le score livré par la Ceni le 3 mai dernier au taux de 64% pour une participation de 53%. La manoeuvre ne peut amadouer que qui le veut car elle obéit à un schéma tout indiqué et connu d’avance. Celle-ci gagne, à tout le moins, en ridicule au lieu du peu de crédit auquel elle devrait servir. Mais n’empêche, elle donne quand même une victoire dès le premier tour à IDI et les militants du MPS avec à leur tête leurs chefs que le ridicule ne tue pas non plus, fêteront cette vic­toire qui n’en est pas une.

Au moment où nous mettons sous presse, des délégations du mouvement, conduites par leurs chefs de file régionaux par ailleurs direc­teurs de campagne du candidat gagnant, de­vraient repartir dans leurs fiefs respectifs pour remercier les électeurs. Cela, au nom du PR IDI et par des liasses de billets de banque remises à eux à cet effet.

Mais diantre que le ridicule est la chose la mieux partagée singulièrement au MPS ! De quels électeurs s’agit-il quand, massivement, les Tchadiens ont boycotté ce scru­tin ou lui ont exprimé une royale indifférence ? Encore des subterfuges pour s’en mettre plein les poches pendant que des fonctionnaires ac­cusent quelques arriérés de salaires et que des services hospitaliers connaissent une pénurie de médicaments et d’outils de tous ordres ! Il y a indéniablement quelque chose de suicidaire dans l’attitude des tenants du pouvoir actuel. Si ça leur réussit encore, elle conduit le pays vers un gâchis dont on ferait bien l’économie.

Pour le bien de tous d’ailleurs. Hélas ! La sa­gesse n’est pas de ce camp là et le pays risque gros.

Comme ce blocage politique qui empoisonne déjà bien l’atmosphère nationale. Idriss Déby Itno et ses lieutenants thuriféraires du MPS auront été en partie responsables de cette si­tuation. Ceci, pour n’avoir pas entendu les ap­pels du pied de la classe politique dans son ensemble, de la société civile, des partenaires extérieurs et su décrypter les signes de malaise des populations qui aspirent à une réelle re­mise à plat du pays. Sourds, ils l’auront été tout au long des 16 ans de leur règne, à l’aspiration générale de rupture avec le médiocre passé du Frolinat, à l’aspiration de justice, de droiture, et de paix. Résultat, des foyers de rébellion en permanence rallumés et persistants mais qu’ils ne réussiront à contenir ou décapiter qu’avec le soutien actif de la France chiraquienne, de la Libye et du Soudan jusqu’à une date encore récente. L’incohérence et l’inconsistance de l’op­position démocratique intérieure les aideront à rester sur leur macabre trajectoire. Lorsque celle-­ci, fit enfin l’union sacrée lui consacrant à l’oc­casion une cohérence, autour d’un mémoran­dum devant permettre des élections transpa­rentes et réellement démocratiques, lequel mé­morandum elle monta en épingle pour deman­der un dialogue responsable avec le pouvoir, IDI et ses lieutenants Mpsistes se débinèrent encore, sourds qu’ils étaient obnubilés par la perspective d’un troisième mandat contre le­quel le général avait pourtant donné sa parole d’officier. Contre l’avis d’une sensibilité sourde de son parti à laquelle son ancien ambassa­deur aux USA, Ahmat Hassaballah Soubiane, un ancien baministe lui aussi, donnait de la voix en marge du dernier congrès du parti, IDI, égal à lui-même, et aveuglément encouragé par ses thuriféraires auxquels il manque criardement un reste de soupçon philosophique, tint à renier sa parole de général… !

Lol Mahamat Choua, qui se sentant floué à ce moment là pour dénoncer, du haut de la tri­bune dudit congrès, et avec la réplique appro­priée, l’alliance scellée lors des élections de mai 2001, fut traité de tous les noms d’oiseau et voué aux gémonies. La vive opposition de son propre clan qui estimait l’heure venue de pas­ser la main à un autre de ses fils pour assurer les arrières de la  » Zaghawahirya  » (la Républi­que des Zaghawa, s’entend), illicitement enri­chie, n’y fit rien. Plus grave, prenant le Tchad pour une dynastie non plus Zaghawa mais plus familiale que jamais, IDI mijotait ne passer la main qu’à son fils Brahim qui n’avait encore ni l’expérience d’un simple fonctionnaire ni l’ex­pertise avérée de quoi on ne sait au bout d’un brillant parcours universitaire… Pour régenter un pays deux fois plus grand que la France. Pas plus que son stage pré-présidentiel au Se­crétariat particulier de son père de président n’était pour convaincre. La pilule, en tout cas, devait être amère à avaler pour le reste du clan qui choisit alors d’attenter, s’il le faut, à la vie du (général de père pour empêcher une telle visée qu’aucun Tchadien n’est d’ailleurs prêt à ac­cepter. Les putschs ratés des 16-17 mai 2005 et du 14 mars 2006 en disent long. Obsédé par son troisième mandat à tout prix, IDI finit par lasser tout le monde et renforcer l’idée qu’on ne peut le débusquer de là que par la force.

Après tout, il n’y est pas venu par un « billet Air Afrique », a-t-il coutume, lui-même, de dire. Les rats se résolurent alors à quitter le navire pour revenir plus tard. Bientôt la grande muette se mua en une coquille vide que seuls les Itno (patronyme ancestral que les Tchadiens doi­vent désormais épouser aux dépens du bruyant Toumaï) gardent. Tant bien que mal jusqu’à ce 13 avril 2006 où la déferlante et folle chevau­chée du FUCD, arrivé aux portes de N’Djaména avant d’être stoppée grâce aux  » coups de se­monce  » de l’aviation française, a donné des sueurs froides à tout le monde y compris au PR mais avec cette différence que les Tchadiens se réjouissaient déjà à l’idée d’assister à la chute d’un pouvoir qu’ils jugent responsable de leur malheur. Ainsi honni et rejeté par tous, IDI, dé­sormais isolé, croyait-on, devait accepter enfin le dialogue par trop à lui conseillé pour souffler et se donner une seconde, heu, une troisième virginité pour dire juste avec le troisième man­dat. Mais que nenni ! Le sous-secrétaire d’Etat adjoint aux Affaires africaines du département d’Etat, Donald Yamamoto, dépêché par l’oncle Sam qui veille à la sécurité de ses intérêts pé­troliers sur  » l’Itno land « , aura prêché dans le désert sa conviction qu’il n’est jamais trop tard de dialoguer pour permettre des conditions ac­ceptables pour une élection transparente. L’Union africaine, pour avoir soutenu la posi­tion américaine, aura essuyé l’ire et la critique au vitriol d’IDI en personne qui nous rappela alors haut et fort son rôle trouble de gendarme de la sous région au Congo-Brazza où il aida un certain Sassou Nguesso à revenir au pou­voir par la petite porte. IDI regretta la politique de l’autruche de l’UA pour reprocher en réalité à son président son ingratitude. Le contexte n’était pas au retour de politesse et cela IDI feignait d’ignorer.

Revigoré par le soutien de Paris, il tenait à aller jusqu’au bout de sa logique et de son but, le sacre pour un troisième mandat rendu aisé par l’absence de concurrents sérieux. Chose désormais faite. Mais pour quelle consé­quence? (La suite dans le prochain numéro)

Maxwell N. Loalngar
Le Temps N°481 du 31 mai au 06 juin 2006


Commentaires sur facebook