Une victoire dans l’indifférence – Le Temps N°481 du 31 mai au 06 juin 2006
Organiser un vote et le perdre pour un chef d’Etat qui est aux affaires, cela relève de l’absurde disait Bongo, chef d’Etat gabonais. Ce mufti qui a soufflé sa soixante cinquième bougie au pouvoir, continue à gérer le Gabon après avoir éliminé politiquement tous ses adversaires. Cela dit, en Afrique, la notion de la démocratie n’est qu’une utopie abjecte. Un opium utilisé pour endormir le peuple et non un système de gouvernance qui prend en compte les défis majeurs du développement auxquels font face les populations.
Un troisième mandat pour Déby soit seize ans plus cinq, ce qui donnera vingt et un ans au pouvoir pour un soldat dans un pays où se comptent par milliers des hauts cadres rompus en politique, cela n’est autre qu’une absence de démocratie, absence d’alternance et donc imposition d’une monarchie absolue au peuple. Une monarchie qui, malheureusement, emballe honteusement dans son engrenage certains intellectuels promptes à ne réagir qu’aux grincements de leurs abdomens.
Les résultats de l’élection présidentielle du 3 mai sont définitivement connus. Le président Déby est réélu dès le premier tour avec un score de 64%. C’est l’arrêt donné par le Conseil constitutionnel ce dimanche 28 mai. Deux semaines plus tôt la Ceni annonçait en faveur du président sortant un chiffre de 77% de voix. Le candidat gagnant a donc perdu 16 % de voix. Le Conseil constitutionnel a pris donc la précaution de garantir à Déby le score supérieur à 50% synonyme de victoire au premier tour. Tout s’est donc passé comme prévu, c’est-à-dire une opération sans enjeu puisque le résultat était connu d’avance. Ce qui a surpris lors de ce résultat définitif c’est l’indifférence totale du public. Même les militants du MPS ont été gagnés par la somnolence. Plus de coups de feu tirés en l’air par les proches du président, plus de parades vrombissantes des voitures et motos.
Advienne que pourra! Tout se résume aux besoins bassement matériels et aux intérêts égoïstes. Et pour assouvir leurs besoins, ces inconscients, insoucieux de l’avenir du pays, n’hésitent pas à saigner à blanc les trésors publics. Après avoir puisé d’importantes sommes d’argent qui ont servi à acheter les consciences, corrompre à coups des millions des notables et autres candides citoyens qui ont fait le jeu en bourrant les urnes et falsifier les procès-verbaux le jour du vote à travers le pays, des pompeuses messes de réjouissance sont en vue pour, dit-on, remercier les électeurs. Raison de plus pour ouvrir les vannes de nos trésors publics et autres régies financières pour laisser couler à flots nos francs. Absurde pour un pays comme le Tchad enclin à une pauvreté et une misère les plus sévères, un pays où les ressources doivent être canalisées vers les secteurs de développement que sont l’éducation, la santé, les infrastructures routières, l’eau, l’habitat… Au nom de quel principe, un chef de parti fut-il chef de l’Etat doit-il puiser comme il l’entend, des sommes qui, pourtant ne lui appartiennent pas ? De quel droit Déby et les siens se prévalent-ils pour se disposer comme ils le veulent des fonds de l’Etat ? En vidant les caisses de l’Etat, oublient-ils qu’ils s’exposent ainsi à un délit, celui du crime économique ? Il n’est pire aveugle, dit-t-on, que celui qui ne veut pas voir!
La Rédaction
Le Temps N°481 du 31 mai au 06 juin 2006