Un dialogue piégé – Le Temps N°483 du 14 au 20 juin 2006

la uneLe scénario semble astucieux. Le refus d’un dialogue non exclusif pour certains et inclusif pour d’autres par IDI n’est en fait qu’une malice savamment montée, dictée par ses maîtres à penser : monter les enchères pour créer une fiévreuse psychose dans le camp de l’ennemi; fatiguer au maximum celui-ci pour ensuite lâcher lentement du lest. Entre­temps, dans le camp des politico-militaires, éclateront des dissen­sions, des divisions qui ne sont autres qu’une machination écha­faudée et téléguidée par le pouvoir central qui déjà, aurait suffisamment affaibli l’ennemi. Une stratégie payante, depuis, expéri­mentée par le général au pouvoir. On sait IDI spécialiste de ces coups bas. Faire éclater l’opposition pour ensuite pêcher à coups de millions puisés dans les caisses de l’Etat, certains transfuges sensibles à l’espèce sonnante et trébuchante. Les exemples de ces rebellions étouffées dans l’œuf ou ralliées sans pour autant avoir atteint leurs objectifs et dont les chefs charismatiques ont payé de leurs vies sont légion.

Au Tchad, depuis 1990, les rebellions ont toutes failli soit tra­hies par des mercenaires à la solde du régime, soit attirées par le gain facile: Ainsi, des différents dialogues et forum pour la récon­ciliation qui ont eu lieu par le passé, les Tchadiens ne feront qu’un constat d’échec. Sont-ils cette fois-ci à la der des ders de ces inter­minables dialogues de réconciliation ? L’avenir paraît incertain. Car, réclamée depuis 2002 par l’opposition, la proposition de ce forum a été balayée d’un revers de la main par le pouvoir en place. Aujourd’hui, sous la pression de la communauté internationale, le général au pouvoir se dit disposé à dialoguer exclusivement avec l’opposition politique. Pour lui, il est hors de question de tendre la main à l’opposition militaire composée en majeure partie de ses parents qui, d’après lui, ont trahi le clan. Une argumentation qui laisse coi les Tchadiens qui, déçus par 1’expérience du passé, sont aujourd’hui dans leur ensemble disposés à ne plus prêter qu’une vague attention à ces fanfaronnades, ces simulacres de débats nationaux qui, depuis l’avènement du MPS au pouvoir, n’ont rien changé dans leur existence.

Depuis 1990 donc, malgré la CNS, la rencontre de Libreville et autres rencontres de réconciliation et ralliements des politico-mili­taires; la misère, l’insécurité, l’injustice sociale… demeurent le lot quotidien. IDI se pliera-t-il à la demande de la communauté interna­tionale ? En tout cas, le général président n’a aucun intérêt ni en jouant à cache-cache avec la communauté internationale. ni en faisant du pied de nez à l’opposition politique et aux politico-mili­taires. Connaissant cet intrépide soldat qui ne badine pas avec ses anciens ennemis, l’inquiétude est grande. Le sort qu’il a toujours réservé à tous ceux qui ont pris les armes contre son régime est édifiant. Aguerris, les politico-militaires n’entendent plus être sa­crifiés sur l’autel de l’hypocrisie. Gageons que pour ce dialogue, qui sera, on le souhaite non exclusif, IDI entendra la voix de la raison. Les exemples de Koty, Laoukein, Kété Moïse. Togoïmi, Gueti pour ne citer que ceux-là, ne se répètent plus. Gageons aussi que ce dialogue qui sera le dernier du genre, permettra aux Tchadiens d’enterrer enfin la hache de guerre et se tourner résolument vers le développement de leur pays. Vivement que cela soit !

La Rédaction
Le Temps N°483 du 14 au 20 juin 2006


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