Une démocratie polluée – Le Temps N° 494 du 11 au 17 octobre 2006

A scruter l’horizon politique du Tchad, l’on se rend à l’évi­dence que l’atmosphère démocratique de ce pays est polluée et le pronostic d’un retour à la case de départ, c’est-à-dire que le risque de renouer avec les vieux démons de la dictature est des plus grands. Les actes marquant cette inexorable descente aux enfers sont légion. Les derniers en date sont la pompeuse missive envoyée par le ministre de la communication, porte-parole du gouvernement au président du haut conseil de la Communication que vient renforcer une autre, tenant lieu de fiche adressée au Premier Ministre par son directeur de cabinet. Le dénominateur commun de ces deux lettres, il faut les souligner, est le recul flagrant de la liberté de presse au Tchad.

Si la première lettre en date, celle du directeur de cabinet du PM datant du 26 septembre 2006, met a nu l’incohérence, le manque d’harmonie et de solidarité gouvernementale auxquels vient s’ajouter la légèreté avec laquelle sont traitées au haut niveau les questions hautement nationales, la seconde elle, celle du 06 octobre dernier émanant du ministère de la communication n’est autre que l’expression que l’expression d’une volonté réelle du retour à une loi rétro­grade et répressive sur le régime de presse au Tchad et donc d’un retour pure et simple à la dictature. Lisons les premières lignes de cette lettre:  » (…) l’interview des deux chefs rebelles qui combattent pour changer l’ordre constitutionnel par les armes, publiées par l’hebdomadaire Notre Temps dans son numéro 271 ont atteint les limites du tolérable sous n’importe quel régime démocratique dans le monde « , Ces propos que nous aurions voulu, si nous étions dans un média audio visuel, accompagner de l’image des colonnes du MPS faisant leur entrée le 1er décembre 1990 à N’Djaména, l’arme à la main. Au ministre de la communication défenseur ze1é de la Constitution d’en faire un commentaire. IDI qui a décidé de rompre avec son ancien gourou luttait à l’époque contre l’une des dictatures les plus som­bres qu’a connue l’Afrique, En prenant aujourd’hui les armes, les frères de IDI ont aussi leurs raisons. De quoi Hourmadji se mêle-t-il? Ce journaliste expérimenté de la presse dont la nomination à son actuel poste a été applau­die par tous ses confrères -ceux qui croyaient enfin arrivés au bout de leur galère se sont en fin de compte trompé-. Non que celui-ci a obstinément refusé d’accélérer le processus du statut particulier des communicateurs et, dans la logique dilatoire, imaginé un strapontin, celui de la transformation de la presse nationale en un office (chose d’ailleurs irréalisable), mais il a enfoncé le clou en oeuvrant de toute son énergie pour maintenir la presse tchadienne dans l’obscurantisme en voulant lui imposer coûte que coûte une loi répressive. Doumgor a-t-il la mémoire courte en se référant aux ennuis que la publication de l’interview du terroriste Mesrine, considéré alors en France comme l’ennemi public N° 1 avait coûté à son auteur. .. Soit, mais Doumgor se rappelle-t-il encore qu’il a été l’un des farouches et fougueux animateurs de l’opposition contre celui qu’il sert présentement et dont la clémence fait de lui aujourd’hui un de dignitaires de son régime? Qui sème la haine dit-on récolte la guerre.

En voulant astreindre le pouvoir à adopter une loi de presse austère, Doumgor se met sur le dos tous les hommes de la presse y compris lui-même. L’incohérence au sein du gouvernement, les passes d’arme et les contradictions qui le caractérisent, ce dont le directeur de cabinet du PM a si bien soulevé est en somme, le résultat des comportements antidémocratiques de certains ministres qui le composent. Certains disent une chose, d’autres font le contraire. Comment comprendre que le gouvernement prône d’un côté la démocratie et de l’autre, il s’échine à instaurer une loi répressive contre la presse qui constitue pourtant un maillon essentiel de cette démo­cratie ? Intitule de turlupiner les esprits car cette loi sera prochainement adoptée, à en croire le directeur de cabinet du PM qui appelle dans sa fiche, à une solidarité plus agissante des ministres et parlementaires de la majorité pour faire front unie. Adieu donc la démocratie pour que vive l’anarchie et la dictature!

La Rédaction
Le Temps N° 494 du 11 au 17 octobre 2006


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