"N’Djaména" dénonce N’Djamena – L’Observateur N° 378 du 31 mai 2006

batd Achille Batdal, le reggaeman Tchadien qui vit aux Etats Unis est revenu à N’Djaména. Il a donné un concert unique le 26 mai dernier au CCF. « N’Djaména » le titre phare de son dernier album « Aventurier » qui a mis le feu à la salle dénonce les tares de notre capitale. A 16 heures, c’est à dire à plus de trois heures avant le début de ce concert, les guichets du CCF étaient déjà fermés. Les retardataires se bousculaient pour avoir les billets d’accès mais hélas! Pire, ceux venant après 18 heures n’ont pas pu avoir accès à la salle. Car la salle des spectacles du CCF d’environ 400 pla­ces était pleine à cra­quer. La majorité des gens ont été obligés de rester debout dans les allées durant les deux heures qu’aura duré le concert. C’est aux envi­rons de 20 heures que l’animateur du CCF, Ricardo Lab Nanadoumngar appa­raît sur le podium pour annoncer l’arrivée de l’artiste. Quelques minutes passent.

Le public s’impatiente et réclame Achille. Puis Achille apparaît enfin, en courant, drapé des couleurs nationales, Bleu, Jaune, Rouge. Il prend sa guitare et entonne « Tourab », chanté en arabe où il rend hommage à Nelson Mandela. Le public est en délire. Puis Achille enchaîne morceau sur morceau, notamment « Aventurier », chanté en Ngam, sa langue maternelle, où il rend hommage à sa mère. Quelques membres de sa famille dont sa soeur aînée montent sur le podium. Des billets de banque pleuvent. La salle applaudit et réclame, « fonctionnai­re », le titre phare de son dernier album chanté aussi en Ngam. Mais c’est « N’Djaména » qui mettra le feu à la salle. « A N’Djaména l’électricité est un luxe, l’eau potable… est un luxe, le transport … est un luxe » répète la salle. A travers le titre phare de cet album « N’Djaména », l’artiste revient sur les problèmes majeurs que rencontre notre capitale, à savoir le manque d’eau potable, l’électricité et l’in­sécurité galopante. Le public qui est en extase trouve que le temps a trop vite passé et redemande « N’djaména ». C’est le moment choisi par notre conseiller à la rédaction, Sy Michel Dieudonné pour intervenir et saluer le courage de l’artiste « voilà quelqu’un que la presse a soutenu et qui fait quelque chose. C’est dire que cet investissement n’est pas gratuit ». Le public est gourmand et redemande du reggae. Finalement, c’est avec « fonction­naire » que Achille veut clore la soirée, le public est debout et chante en même temps que lui. Achille les invite à monter sur le podium. Tout le monde monte et danse. C’est déjà la fin ? Deux heures sont vite passées. Mais la salle redemande avec insistance « ndja­ména ». Ricardo accorde le sursis. Cette fois-ci c’est défi­nitivement terminé. Tout le monde sort de la salle satisfait et rassasié du reggae tcha­dien made in USA. Merci, merci, scande encore le public…

A la fin de ce concert notre reporter a rencontré le reggaeman

Achille Baldal: J’adore N’Djamena, là, où la plupart d’entre nous sont nés. C’est là où nous avons grandi, c’est notre capitale et en principe cette capi­tale doit présentée une image positive. Malheureusement après – quelques années d’absence je constate que rien n’a changé dans cette ville. Aujourd’hui, au Tchad, il y a des enfants qui n’ont jamais connu l’électricité et n’ont pas bu de l’eau potable. Il y a le problème de transport qui se pose avec acuité dans notre capitale. Au-delà de 20 heures on ne peut plus trouver de bus. Il faut que les gens pensent à cela afin d’y trouver des solutions. C’est en fait la misère, Car N’Djaména ne donne aucune image d’une capitale digne d’un pays pétrolier. Toutefois je traite à travers mon dernier album intitulé « Aventurier » et qui compte 8 titres, le bilan de mon aventure Afrique de l’Ouest et aux USA. C’est une aventure qui m’a permis d’apprendre beaucoup de choses. J’ai à travers cette aventure connu des expériences, bon­nes ou mauvaises et il était temps pour d’en moi faire le bilan. J’ai aussi voulu à travers cet album remercier ma maman, car sans elle je ne serai pas arrivé là aujourd’hui. J’ai reçu une bonne éduca­tion d’elle et c’est ce qui me profite jusqu’aujourd’hui. C’est une opportunité de montrer à ma maman que malgré la distance je suis resté attaché à elle.

Qu’est-ce que vous dites de ce concert?

A. B.: J’ai été vraiment surpris de la par­ticipation du public N’Djaménois et c’est vraiment un grand honneur pour moi. C’est ma première fois au Tchad par rapport a mes précédents concerts de voir les guichets fermés avant le concert, je suis très content et je sais désormais que mes frères et soeurs ont les oreilles tendues sur tout ce que je fais et sont là pour me soutenir. C’est le moment de les remercier. Le seul conseil à donner aux artistes tchadiens est qu’ils se battent sans cesse et ne doivent pas compter sur les hommes politiques.

Votre mot de fin?

A.B.: Je souhaite bon courage et bon vent à l’Observateur et je dis une fois de plus merci au public N’Djaména.

Takadji Edouard
L’Observateur N° 378 du 31 mai 2006


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