L’effet boomerang de la guerre – L’Observateur N° 397 du 8 novembre 2006
Après le choc sanglant de Hadjer Méram du 29 octobre dernier, apparemment le calme serait revenu sur les fronts des opérations militaires. Cette trêve toute relative n’augure pourtant rien de bon, car sur le plan stratégique et politique la partie gouvernementale aussi bien que les rebelles persistent dans leur logique de guerre. Durant cette accalmie aucune des parties n’a daigné parler de paix moins encore de dialogue. Que nous réserve donc demain? C’est la question qui angoisse les paisibles citoyens.
Et pourtant, contrairement à une certaine idée reçue, les tchadiens dans leur majorité ne sont pas belliqueux et au fond n’aspire pas à la guerre. Comme bien des peuples de par le monde, les tchadiens aimeraient bien vivre en paix, tourner définitivement le dos à la guerre et orienter leurs efforts au développement de leur pays. Malheureusement force est de constater qu’il y a des groupuscules dans ce pays qui ont trouvé leur compte dans ces conflits armés qui durent depuis des décennies. Pour certains, la guerre est devenue un fonds de commerce. Elle est devenue un cercle vicieux dans lequel l’on cherche à entraîner tout le monde.
L’exemple le plus probant est que le gouvernement pour faire main basse sur les fonds pétroliers invoque l’instabilité et l’insécurité, allant jusqu’à l’inscrire au rang des secteurs prioritaires l’Armée. Dans le camp des rebelles on notera également que certains d’entre eux étaient bien aux affaires et bénéficiant des largesses du pouvoir ils ont rejoint le maquis avec armes et bagages certes mais aussi avec les pétro dollars tchadiens et personne ne peut aller leur demander des comptes sur les fonds détournés. Et c’est à juste titre que le président de l’URD Wadal Abdekader Kamougué a renvoyé dos à dos les protagonistes les invitant au dialogue, dans sa dernière intervention à RFI.
Après les récents combats de Hadjer Méram qui ont opposé les rebelles de l’UFDD et les forces gouvernementales, on assiste à de nouveaux ralliements. Et qui dit ralliement dit argent. On ira puiser comme toujours dans la caisse de l’Etat pour contenter ces ralliés et à côté le pauvre citoyen docile qui a appris à gagner son pain à la sueur de son front continuera à trimer et attendre son salaire. Nous sommes si habitués à ce genre de manège qu’on ne croit plus à ce jeu. Si les ralliements étaient la formule à la paix au Tchad, depuis longtemps Déby aurait mis un terme aux conflits qui ensanglantent le pays. Malheureusement ce n’est pas le cas, car nous en sommes au nième ralliement et rien n’a changé.
Et pourtant, la perche lui avait été tendue. L’opposition politique tchadienne, la Société civile et même certains partis alliés ont proposé un dialogue national qui regrouperaient tous les acteurs politiques, la société civile dans son ensemble, ainsi que les politico-militaires. Cette proposition n’a pas été du goût du maître du Palais Rose, qui, pour les beaux yeux de la communauté internationale a pris les devants en organisant hâtivement un soit-disant dialogue pour la paix avec son club de partis alliés. Le reste tout le monde le sait. La situation socio politico-militaire ne s’est pas améliorée et la paix civile n’est pas revenue dans la société. Pire la situation s’est aggravée.
Aujourd’hui, le pays retient son souffle. L’on ne sait pas ce que nous réserve les lendemains. Une certaine apathie s’est emparée de la population Et l’insécurité s’est réinstallée dans nos cités.
Occupés à faire la guerre à l’Est, toutes les forces de l’ordre sont mobilisées et les grands centres sont devenus la proie des bandits de tous genres. Assassinats, vols et braquages sont devenus monnaies courantes.
Conséquemment à la tension à l’Est, nos forces de l’ordre montrent une certaine irritation. Les premières victimes sont les journalistes. Des arrestations arbitraires s’opèrent sans que le Procureur Général ne soit au courant. Ce sont les cas notamment de notre confrère Evariste Ngaralbaye écroué pendant quelques jours dans les locaux de la gendarmerie pour un article sur le conflit à l’Est, et de deux autres journalistes étrangers conduits manu militari par les forces de l’ordre devant les autorités pour un reportage de terrain.
Idem du côté de l’Enseignement Supérieur où la situation n’est pas aussi reluisante puisque la rentrée académique qui a débuté par une grève qui heureusement se normalise peu à peu.
Bref, cette guerre porte un sérieux coup aux activités sociale et économiques. Tous les esprits sont tournés vers l’Est et les activités dans les villes limitrophes des conflits sont quasi inexistantes.
L’option la plus sage jusqu’à preuve du contraire reste le dialogue national prôné et réclamé par tous. La guerre pour la guerre ne donnera rien, elle n’est que suicidaire. Espérons que la sagesse finira par l’emporter sur la violence. Car comme le disait si bien ce célébrissime Général: « Si la guerre doit finir autour d’une table de négociations, autant aller directement autour de cette table de négociations ». Cela épargnerait bien de pertes en vies humaines et en matériels. A quand donc une véritable politique de développement pour le Tchad qui en a bien besoin avec son étiquette de pays le plus corrompu de la planète.
Samory Ngaradoumbé
L’Observateur N° 397 du 8 novembre 2006