Editorial: Facétie électorale – Notre Temps N° 257 du 5 mai 2006
Comme l’on pouvait s’y attendre, la mascarade du 03 mai s’est déroulée dans l’indifférence générale des Tchadiens fatigués de Déby et de ses sbires.
Les bureaux de vote de la capitale sont restés désespérément vides de monde de l’ouverture à la fermeture. Jamais consultation électorale n’a enregistré, aussi faible taux de participation. Le peuple exacerbé a préféré écouter la société civile, la Cpdc, les Etats-Unis, l’Union africaine et les religieux qui, tour à tour ont demandé le report du scrutin au regard des risques graves qu’encourt le pays. Des appels qui sont hélas tombés dans les oreilles d’un sourd. D’un pouvoir qui, fidèle à sa logique de va-t-en-guerre, a tenu à organiser l’une des élections les plus médiocres, les plus contestées du pays et peut être même du monde.
La balle désormais est dans le camp de la Ceni et du Conseil constitutionnel qui vont s’activer conformément à leur logique eux aussi de proclamer Déby élu dès le premier tour. Mais pour quelle victoire et dans quelle circonstance? Si les rebelles de l’Est qui ont promis empêcher la tenue du scrutin par tous les moyens n’ont pas lancé l’assaut décisif sur le pays il n’en demeure pas moins que le risque de conflit généralisé est réel dans le pays. La coalition fut-elle contre cœur intervenue entre les tendances Rafd des frères Erdimi avec le Fuc de Mahamat Nour s’inscrit dans cette logique. Il faut s’attendre donc à ce que, dans les heures, voire les jours qui suivent, les politico-militaires ne puissent lancer les offensives générales comme promis. Et que les contestations sociales en latence au niveau de la société civile ne fusent de partout contre l’usurpateur des voix du peuple. Nul ne peut donc prédire ce qui demain adviendra sinon qu’à déplorer l’entêtement d’un régime plutôt d’un homme honni, exécré aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur et qui tient à quitter la scène de la même manière qu’il est venu à savoir par le feu et le sang. Mais ce qu’il faudra retenir dans cette inévitable implosion c’est l’attitude complice de la métropole et tout récemment de l’Union européenne dans le drame collectif que vivent les Tchadiens. La France a-t-elle vraiment intérêt à ce que perdure cette situation? Chirac a-t-il perdu la tête et toute lucidité au point de ne pas écouter la société civile française, les Ong qui lui ont demandé il y a peu dans une lettre ouverte de désavouer la politique suicidaire de Déby ? Jusqu’où ira ce soutien contre nature et décrié par tous? Une chose est sûre, Chirac et l’Union européenne à travers son fameux rapport sur le Tchad prennent la lourde responsabilité de porter sur eux l’inévitable implosion du Tchad dont ils ont tous les moyens pour éviter le pire. Mais les Tchadiens doivent admettre au finish que tant qu’ils ne se manifesteront pas pour prendre eux-mêmes en main leur destin, personne, fut-il des puissantes organisations ne pourra le faire à leur place.
La Rédaction
Notre Temps N° 257 du 5 mai 2006