Crash du Hercule C130: Les en dessous et les non – Notre Temps N° 260 du 11 au 17 juillet 2006

Dans ce crash survenu le dimanche 11 juin dernier vers 18 heures 30 avec perte totale de l’appareil, il y a eu trois membres d’équipage tués en mission. Les honneurs militaires dus à leur rang d’officier n’ont pas été organisés. Ils ont été enterrés dans une fosse commune à Abéché alors que leurs familles revendiquent leurs restes.

« Un C-130 de l’armée tchadienne s’est écrasé en ratant son atterrissage à l’aéroport d’Abéché, faisant 3 à 5 morts. L’appareil, un quadrimoteur Lockheed Hercule C-130 de fabrication américaine s’est écrasé à cause d’un problème technique  » a expliqué sans donner plus de précision la Rnt ce lundi 12 juin.

Une autre version de la cause de cet accident de l’un des deux derniers aéronefs de transport de l’Armée tchadienne est celle de l’Express du 12 juin 2006 qui affirme que  » l’avion a été prévu pour effectuer un vol de ravitaillement sur Abéché où les troupes sont stationnées. L’aéroport est fermé à 18 heures et l’avion est arrivé trente minutes plus tard. L’avion a ensuite raté la piste d’atterrissage et s’est écrasé dans les arbres à 150 ou 200 mètres de la piste d’atterrissage

Cette version des faits suscite quelques interrogations : Pourquoi l’équipage a-t-il accepté de décoller de N’djamena à 17 heures sachant que le vol N’djamena­/Abéché dure une heure trente, et que l’arrivée à Abéché interviendra au-delà de 18 heures ? L’aéroport étant fermé à 18 heures donc non balisé, pourquoi est­-ce que le pilote n a pas fait demi tour ? Aurait-il reçu injonction de décoller et d’atterrir ? Si oui, de qui ? La question est posée.

Quelle cargaison et quel bilan ? Que contenait cet avion vieux de quelques années récupéré au Sénégal après moult tractations où Hisseine Habré l’y a amené dans sa fuite du 1er décembre 1990 ? Des armes pour préparer l’offensive décisive de Idi contre les rebelles ? Un « Ami  » comme l’a affirmé ce soldat de l’armée de l’air ? Quelles sont les victimes civils et militaires ? De source officielle de l’Armée de l’air, il y a eu 3 membres d’équipage tués. Les deux rescapés de l’équipage sur les cinq, Yankim et Hassane sont  » retenus  » pour besoin d’enquête au sein de la Base Adji Kosséi. On dit qu’Idi, plus furieux d’avoir perdu son avion que préoccupé par le sort des victimes, veut voir clair sur les raisons de ce crash. Cet avion militaire transportait à son bord des passagers hors équipage. De source indépendante, il y a eu tantôt 5 passagers civils tués sur 10, et tantôt 24 sur 25 dont une survivante.

Les morts ont tous été enterrés dans une fosse commune à Abéché. Les familles des victimes ont écrit au Chef d’Etat ­major général des armées tchadiennes, le Cemga, pour réclamer les corps des défunts ou, à défaut, leurs cendres afin de leur rendre des funérailles dignes. La réponse du Cemga ne leur est pas parvenue jusqu’alors. Celles-ci menacent de porter plainte contre l’Etat si elles n’obtiennent pas gain de cause dans leur revendication.

De bons exemples de gestion des catastrophes…

Pour le naufrage du « Djouba  » au Sénégal, Wade a dû personnellement s’investir dans la gestion de cette catastrophe. Pour l’incendie du quartier de N’sam à Yaoundé provoqué par la déversion d’une citerne de carburant il y a 5 ans, Paul Biya s’est personnellement déplacé pour réconforter les coeurs des parents éprouvés. En France, Chirac a géré le cas des  » personnes âgées  » mortes de la canicule de l’été dernier, allant jusqu’à demander au parlement de voter un  » impôt de solidarité pour les personnes du 3ème age « .

Ici au Tchad même, les bons exemples ne manquent pas. Pour le crash d’avion de
Abderamane Dadi et de Ahmat Lamine intervenu il y a 4 ans à Kousseri, un deuil national a été décrété. Les deux victimes sont honorées aujourd’hui. Ahmat Lamine a une rue qui porte son nom. Il y a un amphithéâtre  » Abderamane Dadi  » à l’université de N’djamena.
Dans un incendie intervenu le 29 août 2005 à Wadi-Djedid dans la région d’Oum Hadjer au Batha Ouest, on a déploré 21 morts, 8 blessés graves et quelques 800 têtes de bétail. Une forte délégation officielle dirigée par le ministre de l’Elevage a fait le déplacement pour consoler les coeurs affligés et dédommager les victimes.
… mais aussi de mauvais
Le garde-fou cassé en plein milieu du pont de Chagoua a occasionné plus d’un accident aux bilans très lourds en vies humaines. Le dernier accident remonte au 28 mai dernier où un car de marque Hiace a plongé dans le fleuve la tête la première à partir de ce même garde-­fou. Il y a eu un pour ce cas, le
seul survivant. Mais le Tchad officiel n’a daigné broncher. La responsabilité du maire de la ville et du ministre des infrastructures est interpellée pour la réparation de ce garde-fou. Mais revenons au crash du c130.
Pas d’honneur militaire ?

Ce qui étonne dans cette affaire, c’est la célérité avec laquelle l’Armée a traité cette
affaire. On a l’impression que des officiers qui ont servi la patrie au prix de sacrifier leur vie pour la défendre n’ont pas été honorés comme il se doit. Ils ont été enterrés dans une fosse commune alors qu’ils ont été identifiés. On comprendrait, s’il s’agissait d’une mission de guerre, qu’ils soient enterrés sur le front où ils sont tombés. Et même dans ce cas, il doit y avoir des exceptions car les Gi’s tombés en Irak sont rapatriés par l’Armée américaine. Pour le cas de figure, il s’agit d’une mission commandée. Donc les corps doivent être restitués. Une mission partie à Abeché pour ramener les corps serait rentrée bredouille.

D’où une question s’impose. Qui a donné l’ordre d’inhumer les corps dans une fosse commune le lundi 12 juin 1 jour après le crash ? Le commandement local des opérations basé à Abéché ou l’Etat-major de l’Armée de l’Air ?
Mise à part la présence des officiers envoyés par le ministère de la Défense pour confirmer les décès puis pour remettre une  » enveloppe « , il n’a pas été signalé la présence des délégations officielles gouvernementales ni militaires dans les places mortuaires.

Mais entre temps, quelle pression exerce la population, les Adh, la société civile les partis politiques pour que l’enquête sur les causes de l’accident du Hercule c130 soit bouclé et rendu public et aussi pour que le garde-fou du pont de Chagoua soit réparé?

Nguétola Djimingar Arsène
Notre Temps N° 260 du 11 au 17 juillet 2006


Commentaires sur facebook