Projet Pétrole Moundouli Nya: Une étude environnementale similaire à celle du Projet Doba – Notre Temps N° 271 du 9 octobre 2006
Le pétrole de Moundouli et Nya coulera en 2007, selon des experts des projets d’exploitation et de production de l’or noir tchadien. Et ce, trois ans après la production du pétrole de Doba qui a débuté en octobre 2003, et qui comprend les champs pétrolifères de Komé, Bolobo et Miandoum au sud du Tchad. Ces deux projets pétroliers, celui de Moundouli Nya et celui de Doba ont une similitude sur le plan de gestion de l’environnement. Car, le gouvernement tchadien et son partenaire Esso Exploration and Production Company Inc (EEPCI), chargé de la réalisation des activités de construction, ont presque reconduit la même stratégie de protection des ressources environnementales du Projet Doba pour l’appliquer au nouveau projet pétrolier satellite de Moundouli-Nya.
Il s’agit du Plan de Gestion de l’Environnement (PGE) et de l’Etude d’Impacts sur l’Environnement (ElE) élaborés en 1997 par le cabinet Dames et Moore, conseil du consortium composé en son temps par Exxon Mobil, Shell et EIf. Par ailleurs, les acteurs de la société civile ont, en ce qui concerne l’élaboration du Plan de Gestion de l’environnement, accusé les experts de Dames et Moore d’avoir négligé les compétences locales dans leurs démarches des recherches. Ils citent en exemple l’ ITRAD (Institut Technique de Recherche Agronomique et de Développement) ou encore l’ONDR (Office National de Développement Rural) qui pourtant disposent d’importantes documentations sur la région de développement des champs pétrolifères.
Un Projet qui n’est pas sans conséquences sur l’environnement local
A l’exemple du projet de Doba, celui de Moundouli menace la configuration environnementale naturelle du site en ce sens qu’il affecte des habitations humaines traditionnelles ainsi que la faune et la flore. Ces dernières comprennent la réserve de Laramanaye (431.000 km2), un important habitat pour les éléphants pouvant émigrer entre le Tchad et le Cameroun, la réserve forestière de Timbéri (88.000 km2) et surtout les forêts galeries de basse altitude. Celles-ci constituent un habitat précieux pour les oiseaux, les papillons et autres insectes, les mammifères et les reptiles qui dépendent de la végétation riche pour la nourriture, leur protection et leur habitat de reproduction. Aussi, faut-il le rappeler, ces forêts galeries sont une source importante de fruits ou médicaments pour les populations de la région. Plus d’une centaine de villages ont été contactés pour les études biophysiques et autres entretiens sur la faune et la flore dans les zones de Moundouli (canton de Baikoro et de Miladi, sous préfectures de Goré) et Nya (canton Miandoum) dans le Logone Oriental.
Pour rappel, le Projet Pétrole de Doba avait besoin d’acquérir des terres pour réaliser ses installations. Celles-ci comprennent les puits, les forages, les Stations de Pompage (SP), la Station de Réduction de Pression (SRP), les plates formes de puits, emprise des conduites et de l’oléoduc de production, les stations de collecte, les vannes de sectionnement, l’oléoduc principal, les lignes électriques, les canalisations de production, des terrains pour les routes d’accès aux chantiers, des terrains pour le compactage des sols, les emplacements des parcs de stockage et des chantiers. L’acquisition de ces terres a fait subir des dommages aux habitats tels que les habitations humaines, les terrains agricoles, la savane, les bois riverains, les forêts galeries, les marécages, les arbres fruitiers et d’ombrage, les lieux de pêche, les sites religieux et sacrés. Pour compenser ces pertes subies, le projet a prévu d’indemniser les populations victimes des travaux des installations pétrolières et de l’emprise du pipeline. Dans la portion tchadienne, le pipeline traverse plusieurs rivières importants: Nya, Lim; Mbongo et Mbéré. Il faut noter que les rivières Lim et Mbéré sont traversés par l’oléoduc tandis que la rivière Nya s’écoule à travers la zone de développement des champs de pétrole.
En somme, le système de transport du pétrole de Doba a une superficie de 1665 hectares. Il comprend un oléoduc enterré de 1070 Km de longueur et de 760 mm de diamètre qui sert à transporter le brut des champs de pétrole au sud du Tchad jusqu’au terminal maritime amarré aux larges des côtes camerounaises à Kribi. De là, le brut est transporté sur le marché international. Le débit de production moyen annuel atteindra un maximum de 225.000 barils de pétrole par jour pour une durée de production estimée à 25 ans. Selon les prévisions des experts, les trois champs de pétrole de Komé, Miandoum et Bolobo -Environ 300 puits de production et 25 puits de réinjection d’eau pourraient produire environ un milliard de barils de pétrole pendant 25 ou 30 ans. En se basant sur l’évolution prévue pour la valeur du dollar pendant la durée du projet avant la flambée du prix de l’or noir, le Projet d’Exportation Tchadien générera une valeur totale de 5 100 milliards de PCFA (8, 5 milliards de dollars américains) pour le pays.
Certes; pour atténuer les impacts du projet pétrolier(Projet Doba) dans la région productrice, il est prévu un certain nombre des mesures: Le Plan de Développement Régional et l’Evaluation Environnementale Régional (PDR/EER). Ceci conformément à la politique de planification régionale et gestion de l’environnement pour un développement socio-économique durable. Pour l’élaboration du Plan de Développement Régional et l’Evaluation Environnementale Régionale, plusieurs ateliers de réflexion, appelés consultations publiques, ont été organisés avec les populations locales. Les différents ateliers ont regroupé les chefs de cantons, les chefs de villages, les leaders religieux, les sages et les acteurs des organisations de la société civile. Certaines rencontres ont été entachées d’incompréhension entre les pouvoirs publics et les acteurs de la société civile.
Les vifs débats contradictoires et les controverses étaient généralement focalisés sur la bonne gestion des revenus pétroliers, la protection de l’environnement dans la zone de développement du projet et le respect des droits humains. C’est ainsi que sous la pression des organisations de la société civile tchadienne appuyée par leurs consoeurs de l’Occident, le gouvernement tchadien, la Banque Mondiale et le consortium pétrolier composé cette fois ci des compagnies américaines, Exxon Mobil et Chevron et malaisienne, Petronas, ont accepté la mise en place des mécanismes pour atténuer les impacts environnementaux liés aux travaux de construction des installations pétrolières et à la production du brut. Et ce, conformément au respect des lois nationales et internationales en matière de protection et de préservation de l’environnement
Violations en cascade des lois, des normes et standards en matière de protection de l’environnement
En prélude à l’avènement de la fête du pétrole qui devait se dérouler le 10 octobre 2003 à Komé consacrant l’entrée du Tchad dans le cercle des pays producteurs de l’or noir, le Réseau des Commissions Permanentes Pétrole du Tchad et le Groupe de Recherches Alternatives et de Monitoring du Projet Pétrole Tchad- Cameroun avait fait publier un rapport explosif le 1er août 2003. Le document précise que le plan de gestion des déchets et de référence générale dans le cadre de l’exécution dudit projet n’a pas servi dans la pratique à grand-chose. Pour cause, on observe dans la zone de développement des champs pétrolifères divers types de déchets: des emballages, des tubes fluorescents et des lampes, des déchets plastiques (bouteilles d’eau minérales) à Bolobo, des huiles et papiers usagés des solvants, des déchets électroniques, des véhicules et des pièces hors d’usage, des boîtes de conserve (beaucoup de boîtes de conserve ont été broyées et enfouies pendant les jours fériés dans le camp et autres lieux sous le contrôle du projet), des batteries usagées, des piles et des accumulateurs, des résidus provenant des constructions immobilières, des déchets biologiques, des boues de forage, des pneus usagés et des déchets industriels spéciaux (hospitaliers et les médicaments).
Abba Ngolo Moustapha
Notre Temps N° 271 du 9 octobre 2006