Jugement d’Hissein Habré: A l’ONU, on sollicite son extradition – Le Progrès N° 1964 du 22 mai 2006
A l’Union africaine, la demande a été déjà rejetée
Le week-end dernier, le comité des Nations unies contre la torture, un organe consultatif, a intimé au Sénégal de juger Hissein Habré ou de le faire extrader vers Bruxelles, comme le réclame la justice belge. Le Sénégal, pays qui héberge l’ancien président tchadien depuis sa chute du pouvoir en décembre 1990, est signataire de la convention contre la torture.
Les victimes tchadiennes qui ont vu leur espoir s’émousser après le sommet des chefs d’Etat africains de Khartoum, tenu du 23 au 24 janvier 2006, sont satisfaites de l’injonction de comité des Nations unies contre la torture. Au sommet de Khartoum, les dirigeants africains ont rejeté l’idée de l’extradition et ont confié l’affaire à des juristes africains pour analyser les possibilités de jugement de Habré dans un pays africain. Ces juristes doivent soumettre leur conclusion au sommet de l’Union africaine de juillet 2006. Une partie de l’opinion africaine n’était pas favorable à l’idée de juger Habré par une juridiction européenne. «La justice n’a pas de couleur. Ca c’est un faux problème. Si le Sénégal ne peut pas juger Habré, il faut qu’il l’extrade vers la Belgique, qui voudrait bien le juger», plaide Souleymane Guengueng, vice-président de l’Association des Victimes de Crimes et Répressions Politiques (AVCRP).
« Pour que Habré soit jugé au Sénégal, ou extradé, il faut qu’un certain nombre de conditions soient remplies», répliquent les défenseurs de Habré. En effet, la justice sénégalaise s’est déclarée incompétente pour juger l’ancien président en novembre dernier. Elle s’est aussi dite incompétente, juridiquement, à décider de l’extradition de Habré. Le président sénégalais Abdoulaye Wade confie alors l’affaire à l’Union africaine, pour une issue politique, et se débarrasser des pressions qui pèsent sur son pays.
Réfugié depuis 1990 au pays de Abdoulaye Wade, Hissein Habré est accùsé «de violation grave de droit humanitaire international». Le 29 septembre 2005, la Belgique a délivré un mandat d’arrêt international et adressé une demande d’extradition aux autorités sénégalaises. Deux semaines plus tard, Habré est arrêté et passe quelques jours en prison, à Dakar, avant que la justice sénégalaise ne se prononce incompétente. Elle confie l’affaire à l’Union africaine. Fin novembre 2005, en visite officielle, à Bruxelles, le président Idriss Déby Itno a déclaré qu’il est pour l’extradition de son prédécesseur en Belgique pour qu’il réponde de ses actes. Mais le Sénégal et surtout ses pairs africains ont choisi une autre voix. La déclaration du comité des Nations unies contre la torture changera-t-il quelque chose?
L’extraterritorialité de la justice belge s’exécute surtout par le fait que parmi les victimes, il y a aussi des ressortissants belges. Ont-ils acquis la nationalité avant ou après les crimes reprochés à Habré? C’est une autre question qui peut se poser si Habré est extradé!
B.I.H.
Le Progrès N° 1964 du 22 mai 2006