Education nationale: Le baccalauréat tchadien perd sa valeur – Le Progrès N° 1968 du 26 mai 2006
Le baccalauréat… Rien qu’à l’évocation de son nom, les candidats avaient un pincement au coeur. Le bac, jadis, ouvrait les portes des études supérieures et offrait de la considération sociale. Le bac se préparait et s’obtenait aux prix de 1000 efforts, de nuits blanches et autres privations.
Un enseignant regarda un jour un terminaliste et le trouva beau. «Tu n’auras pas le bac avec cette mine ! Pour l’avoir, il faut que tes yeux rougissent, tes joues se creusent.., Il faut que tu présentes des signes de souffrances». Et, effectivement, ce terminaliste échoua. Mais, de nos jours, plus tu présentes bonne mine, plus tu as des atouts pour décrocher ce diplôme. Le bac est dévalué. Il se négocie. Il se marchande. Des élèves de troisième tentent et le décrochent. «Des génies ? des surdoués ? Non ! Tout simplement, parce qu’ils ont des moyens financiers, des moyens de coercition sur ceux qui le délivrent ou qu’ils sont des proches de ces derniers ». Les spécialistes trouvent une date à partir de laquelle la dégringolade a commencé : les troubles des années 80. Le sujet est plus compliqué, l’origine plus profonde et, les ramifications, plus élastiques. Il est difficile de situer le favoritisme et autres injustices dans le temps, même s’il faut avouer que, depuis cette date, certaines aberrations ont atteint des sommets rarement égalés.
Dans cette tragédie autour du bac tchadien, si tout le monde était convoqué, les parents comparaîtraient comme principaux auteurs et, les autorités, leurs complices. Dans l’ignorance, quelques fois, des parents pensent rendre service à leurs progénitures afin qu’elles deviennent, vite, «ministres ou directeurs». Ils ne lésinent pas sur les moyens. Mais, les autorités, ou plus précisément les gouvernants, ne sont pas des ignorants. Ils sont formés dans les meilleures écoles, ont obtenu leur parchemin par le travail, généralement avant 1980, ce repère facile. Pourquoi entretiennent-ils un système pourri, décrédibilisant le pays et sa jeune génération, celle-là qui aura la lourde tâche de gérer le pays, une fois que les vieux auront tiré révérence ? N’y-a-t-il pas un seul responsable, intègre et courageux, pour dénoncer ces pratiques qui déshonorent notre pays ? L’actuel ministre de l’Education nationale a adressé une correspondance à ses collègues de l’Administration du Territoire, de la Sécurité publique et de la Défense nationale, pour qu’ils demandent à leurs agents de ne pas s’ingérer dans l’organisation du bac, et favoriser ainsi la fraude. En décryptant le communiqué du ministre, on se rappelle qu’il y a des agents de sécurité qui viennent, au vu et au su de tout le monde, prendre les copies le jour du bac et les remettre à des nègres, tapis à l’extérieur, pour traiter les sujets. Le ministre dit aussi qu’il y a des préfets, à la recherche de la bonne grâce des populations, qui distribuent des fuites ou donnent des consignes aux agents chargés de veiller au bon déroulement afin qu’ils ferment les yeux sur les irrégularités. Ce quitus pour le faux attire, chaque année, des milliers de Camerounais.
Contrairement à une idée généralement répandue, on se rend, finalement, compte que, ces voisins ne viennent pas à cause de la valeur de notre bac. Des Tchadiens ayant étudié au pays de Biya témoignent que, pour un Camerounais, avoir le bac tchadien est…déshonorant. Connaissant les conditions dans lesquelles certains obtiennent le baccalauréat, on n’a pas à s’offusquer. Il est temps d’amener le bac à recomposer sa crédibilité. Quant aux parents et leurs complices, les autorités, ils seront jugés. Plus que les auteurs, l’histoire condamnera plus sévèrement les complices.
Béchir Issa Hamidi
Le Progrès N° 1968 du 26 mai 2006