Les USA tentent de rapprocher pouvoir et opposition : D. Yamamoto entame sa médiation – Le Progrès N° 1972 du 1er juin 2006
Comme annoncé, préalablement, le département d’Etat des Etats-Unis a donné le coup d’envoi de sa médiation dans la recherche d’un consensus politique au Tchad. Le Sous-secrétaire d’Etat américain adjoint chargé de l’Afrique, Donald Yamamoto, a rencontré quelques acteurs de la scène politique nationale. Arrivé à N’Djaména le lundi dernier, pour une visite de moins de 24 heures, l’émissaire de Condoleza Rice n’a pas chômé.
Avant de se rendre à une audience avec le chef de l’Etat Idriss Déby Itno, Donald Yamamoto a reçu, au sein de l’ambassade américaine à N’Djaména, plusieurs délégations de l’opposition et de la société civile. Les responsables des associations de défense des droits de l’Homme (Delphine Kemneloum a été la dernière à être reçue à l’ambassade), ainsi que les membres de la CPDC élargie à FAR, ont eu une longue discussion avec le médiateur. Le mystère est, toutefois, entretenu autour du contenu des discussions. On sait que Yamamoto s’est donné une échéance comprise entre le début de sa médiation et les élections législatives de 2007.
On sait également que le département d’Etat américain entend s’activer à «l’ouverture de l’espace politique pour une meilleure compétition politique.» Mais, dès qu’on évoque les vrais problèmes posés, motus et bouche cousue. D’habitude prolixe, l’opposition ne veut rien en laisser échapper. L’ambassade des USA n’a pas produit un communiqué de presse. La présidence estime ne rien savoir de plus que ce qu’il a déclaré à la presse. C’est-à-dire rien de nouveau. Toutefois, une personnalité présente lors de la rencontre avec la CPDC et FAR, le mardi à 10 heures, affirme que le médiateur américain a fait part de «ses préoccupations sur la situation au Tchad.» Selon elle, «le Tchad est mal géré, rencontre beaucoup de problèmes et va droit au mur. Il faut donc vite réagir. »
Salibou Garba, porte-parole de la CPDC, rapporte que l’opposition politique a rétorqué au médiateur qu’elle fait face à un mur d’incompréhensions. «Ce n’est pas nous qu’il faut convaincre, les gens à convaincre sont en face», estime l’ancien ministre. Arthur Bell, porte-parole de l’ambassade des USA, affirme que, son pays est intéressé par l’ouverture d’un dialogue national englobant tous les acteurs de la vie politique. C’est la raison pour laquelle Donald Yamamoto a rencontré, en plus du ministre de l’Administration du Territoire, l’ambassadeur de France, Jean-Pierre Berçot, le représentant de l’Union africaine et celui de l’Union européenne. Si rien de nouveau n’a été dit de la rencontre entre Yamamoto et le chef de l’Etat, nul doute qu’en une heure et demie, les deux hommes d’Etat ont fait le tour de toute la situation politique nationale. Plus précisément, la réponse aux demandes de l’opposition politique quant à l’assainissement de l’environnement électoral et la recommandation de la société civile sur la question de la bonne gouvernance. A la question de savoir pourquoi Donald Yamamoto n’a pas jugé utile de rencontrer les responsables du parti au pouvoir, Arthur Bell estime que sa rencontre avec le chef de l’Etat et Mahamat Ali Abdallah Nassour «implique le MPS».
La même thérapie que le Cameroun
Plausiblement, Washington veut administrer au Tchad la même thérapie qu’il expérimente au Cameroun voisin. Au pays de Paul Biya, cette politique a même conduit des pontes du régime aux geôles. En fait, pour Arthur Bell, «la politique américaine en Afrique est basée, essentiellement, sur la recherche de la diminution des conflits latents ou ouverts. Nous pensons, que ces conflits tirent leurs sources de la mauvaise gouvernance des dirigeants. C’est pourquoi, nous sommes impliqués dans la mise en place d’un bon mécanisme de gestion, qui allie la bonne gouvernance.» Pour le porte-parole de l’ambassade des Etats-Unis, le rapprochement entre la politique américaine au Cameroun et au Tchad «est une bonne chose dans la mesure où les USA veulent un nouveau type de gouvernance dans l’Afrique centrale et occidentale ». L’émissaire du pays de l’Oncle Sam, Donald Yamamoto, pourrait revenir au mois d’août, pour continuer son oeuvre.
Abdelnasser Garboa
Le Progrès N° 1972 du 1er juin 2006