Mouvements de populations à l’Est – Le Progrès N° 1974 du 5 juin 2006

Djandjawids et rebelles troublent Dar-Sila

Le département de Sila, frontalier avec le Soudan et de la RCA, est plongé dans l’insécurité. Des bandes armées troublent la quiétude des habitants. Les djandjawids traversent la frontière soudanaise et viennent tuer les populations tchadiennes dans leur territoire. Les incursions quotidiennes ont provoqué le déplacement de dizaines de milliers de personnes à la recherche de zones d’abri sures. Les popuations menacées par les djandjawids se sont retranchées dans différentes localités plus à l’intérieur, notamment à Koukou Angarana et Goz-Béïda. Les cantons les plus touchés par les attaques sont Koloï, sous-préfecture de Addé, et Wadi-Kadja, dans la zone de Moudéïna. La rébellion tchadienne et les djandjawids déployés le long de la frontière conjuguent leurs efforts pour déstabiliser le département de Sila, vaste de 26 000 km2.

Outre leurs attaques, ces bandes armées à la solde du régime de Khartoum s’activent à semer la zizanie au sein des communautés vivant dans le Dar-Sila. La population de Addé s’attend à une attaque de la rébellion de Mahamat Nour, qui prépare activement dans sa base de Koudjouloum à 60 kilomètres de la ville soudanaise de Béda, une éventuelle attaque de garnisons militaires tchadiennes. A Tiné, on annonce déjà une attaque rebelle, le vendredi dernier, sans bilan précis. Le gouvernement annonce avoir dispersé les assaillants vers le Soudan. A Koukou Angarana, la population, désespérée de la protection des forces de sécurité, s’organise en comités d’autodéfense, pour contrecarrer les attaques des djandjawids. Des flèches contre des armes de guerre. Le 16 mai dernier, depuis leur base de la ville soudanaise de For-Baranga, les djandjawids ont emprunté le Bahr Azoum pour attaquer la population de Koukou Angarana et emporter du bétail.

Sauver les populations des massacres

Après l’attaque, la population s’organise, armée de flèches et de sagaies, avec l’appui de quelques éléments de la gendarmerie, et poursuit les assaillants. Les échanges de tirs ont fait 3 morts et 2 blessés du côté de la population, et 17 morts du côté des djandjawids. Ces derniers ont abandonné un corps sur le terrain et transporté leurs autres blessés et morts jusqu’à leur base de For-Baranga. Le chef du canton Bahr Azoum, Mahamat Ibrahim Bakhit, décrie le pacifisme du gouvernement face à l’insécurité que vit la population de Koukou-Angarana. Lors du passage du gouverneur de la région du Ouaddaï, Mahamat Nimir Hamata, en tournée, le 30 mai dernier, dans le département de Sila, le chef du canton Bahr Azoum lui a signifié que Koukou-Angarana va se vider de sa population si le gouvernement n’intervient pas rapidement pour sauver celle-ci des massacres des djandjawids. La même inquiétude est exprimée par le commandant de brigade de la gendarmerie de Koukou Angarana, qui précise que ses éléments n’ont ni armes ni munitions pour faire face aux incursions des djandjawids. « Les armes ont été ramassées lors du passage de la rébellion depuis avril dernier. Et, maintenant, nous ne savons que faire. Nous sommes dans le dilemme. En cas d’attaques des djandjawids, il ne nous restera plus qu’à les applaudir dès leur arrivée», ironise-t-il. A Daguéta, frontalière avec la ville soudanaise de For-Baranga, les soldats déployés dans la zone se trouvent face à face avec la rébellion tchadienne entretenue par le Soudan. « Vous ne pouvez pas traverser la frontière de Wadi-Kadja. Les djandjawids et les rebelles vont vous tirer dessus», nous confie un responsable de sécurité.

Il y a eu vive tension à Dogbéré, carrefour commercial, le lundi 29 mai 2006, à la suite de la mort d’un commerçant tué par des coupeurs de routes, au retour du marché hebdomadaire de la localité. Les parents de la victime se présentent à la brigade et signalent le cas de meurtre, en signifiant que les traces des criminels sont entrées à Dogbéré. Le lendemain, une centaine de cavaliers encercle la ville de Dogbéré et menace d’attaquer la population, si on ne lui livre pas les criminels. Alerté, le sous préfet de Mougroro, Hassan Aguit, se présente sur les lieux pour tenter de régler l’affaire à l’amiable. La tentative tourne au drame. Il y a eu deux morts du côté des assaillants et un gendarme blessé à la suite d’échanges de tirs.

Gamarga Bakoumi
Le Progrès N° 1974 du 5 juin 2006


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