La grève sèche illimitée est en mouvement: Même requis, les syndiqués ne travaillent pas – Le Progrès N° 1981 du 14 juin 2006
La grève sèche illimitée décidée par l’Union des Syndicats du Tchad (UST), à son assemblée générale du samedi dernier, est effective. Depuis le lundi 12 juin 2006, l’ambiance est morose dans les grands centres hospitaliers de la capitale et dans le Palais de Justice. Les agents des deux syndicats (SYNTASST et SYNAGREFF), qui font la force de la centrale, ont répondu à l’appel de l’UST.
Quand deux éléphants s’affrontent, c’est les fourmis qui souffrent. Malgré la réquisition, par décret présidentiel, de 238 agents de santé, pour faire fonctionner une trentaine de services dans quatre hôpitaux, les malades hospitalisés et ceux qui se sont rendus dans des établissements sanitaires pour se faire consulter par un médecin, sont abandonnés à leur triste sort. Des médecins réquisitionnés sont présents à leurs postes d’affectation, mais ne s’occupent de rien.
En effet, en application des dispositions des articles 9 et 22 de la loi n° 17-PR-2001, du 31 décembre 2001, portant statut général de la Fonction publique, 238 fonctionnaires sont requis pour assurer leurs fonctions dans toutes les tâches qu’elles comportent. La réquisition prendra fin avec l’arrêt de la grève démarrée ce lundi par la centrale syndicale. Dans l’article 2 du décret présidentiel, il est fait mention que, les fonctionnaires requis, qui n’auront pas regagné leur lieu d’affectation, s’exposeront à des sanctions administratives prévues par les textes en vigueur. «Entre le conseil du père et du père adoptif, on choisira le conseil du vrai père», lance un infirmier à l’Hôpital Général de Référence Nationale, pour signifier qu’il suit l’UST dans son mouvement de grève. A l’hôpital de la Liberté, c’est presque le même décor qui se dessine. Des femmes enceintes, assises à même le sol, attendent devant le service de gynécologie, le médecin pour se faire consulter. Juste à côté de ce service, se trouve celui des urgences. Les malades, des hommes et des femmes, sont allongés sur des bancs pour attendre une éventuelle consultation par un médecin. C’est plutôt des secouristes et des stagiaires qui défilent, impuissants, devant eux. «Chacun doit prier Dieu pour qu’il ne tombe pas malade pendant ce moment de grève», prévoient deux hommes accompagnant des malades au Pavillon des Urgences de l’hôpital de la Liberté. L’UST dit avoir suivi, avec étonnement, la publication du décret présidentiel, portant réquisition des fonctionnaires du ministère de la Santé publique de N’Djaména. Les responsables syndicaux estiment que, ce décret porte un caractère illégal. «Ce décret, qui s’appuie, exclusivement, sur les dispositions des articles 9 et 22 de la loi n°17 portant statut général de
la Fonction publique, a un caractère illégal. L’article 9 de ladite loi dispose : les fonctionnaires exercent le droit de grève dans le cadre des lois qui les régissent. Ces lois régissent également les conditions de leur réquisition», disent-ils. L’UST indique que, jusqu’à preuve de contraire, aucune loi réglementant l’exercice de droit de grève n’existe dans l’ordonnancement juridique tchadien. «La réquisition est un acte individuel et non collectif. Elle ne doit pas intéresser la quasi-totalité des agents. En fait, la réquisition doit être déterminée dans le temps et ne s’applique pas aux agents régis par la convention collective (garçons et filles de salles). En procédant de la sorte pour réquisitionner les fonctionnaires, le gouvernement viole, allègrement, non seulement les dispositions de la Constitution, mais aussi les Conventions de l’Organisation Internationale du travail (OIT) sur la liberté syndicale et tombe ainsi, de facto, dans l’arbitraire», estime le secrétaire général adjoint de l’UST M. François Djondang. De tout ce qui précède, l’UST affirme ne pas se sentir liée par la réquisition. Elle demande, par conséquent, à ses militants réquisitionnés de continuer à observer scrupuleusement le mot d’ordre de grève.
Ahmat Adoum
Le Progrès N° 1981 du 14 juin 2006