A chaque chose, son temps!
Dans les pays où le concept de l’Etat est soutenu par une démocratie participative, le changement vient sans trop de peine. En d’autres termes, un mandat finit, les élections ont lieu et le candidat qui semble présenter le programme le plus cohérent réussit à convaincre ses concitoyens. Il est élu et l’alternance au pouvoir se passe dans le calme et la sérénité.
L’expérience que nous venons d’observer avec l’élection de M. Sarkozy en France est édifiante à cet égard dans la mesure où M. Sarkozy, fils d’immigré, a aisément battu Mme Royal, plus gauloise si l’on reprend les termes de Jean Marie Le Pen parlant des « Français de souche ». Les résultats sortis des urnes ne sont pas tripotés et le verdict est respecté. M. Sarkozy est ainsi devenu le Président de la République Française.
Nonobstant quelques pays tels que le Mali, le Niger et le Ghana, au lieu de cette élégance, c’est le hold up électoral qui est la règle sur le continent africain. Des pays comme le Gabon, le Congo Brazzaville, le Cameroun, le Tchad, la Centrafrique, et le Togo échappent à la règle élémentaire de démocratie. Les élections se déroulent dans de bonnes conditions mais les procès-verbaux ramenés vers la capitale grâce au concours de l’armée française, comme c’est le cas au Tchad, sont modifiés en cours de route au profit du dictateur que l’on veut maintenir par tous les moyens contre la volonté populaire. Les peuples s’indignent mais rien n’y fait. Les dictateurs sont aussitôt félicité pour leur élection, font un tour en France et se maintiennent au pouvoir après avoir reçu certaines assurances. Autrement dit, la Présidence Française, jusqu’à l’élection de M. Sarkozy, refusait aux peuples d’Afrique centrale et d’ailleurs le droit par ailleurs inaliénable que tous les citoyens du monde ont de changer leurs dirigeants. Pour tout dire, les dictateurs d’Afrique francophone sont maintenus au pouvoir avec le soutien actif de l’Elysée qui aide à pérenniser des pouvoirs abjects et corrompus.
Dans le cas récent du Tchad, l’armée Française est allée jusqu’à intervenir pour empêcher que des maquisards ne réussissent dans leur tentative de déboulonner l’occupant du Palais rose, avec les actions qui nous furent présentées comme des coups de semonce alors qu’elles ont fait de nombreuses victimes sur le terrain !
A chaque chose, son temps. Avec le changement intervenu en France, il est à espérer que le nouveau Président a pris bonne note de l’opportunité qui lui a été offerte chez les Gaulois et qu’il ne rechignerait pas à l’idée d’aider les populations subsahariennes à sortir des enfers dans lesquels ils sont enfermés en laissant libre cours à la volonté des peuples de se défaire de ceux qui les maltraitent.
Il n’y a pas longtemps les rapports de Transparency International et le Programme des Nations Unies pour le Développement nous ont appris que dans la lutte contre la pauvreté, l’Afrique subsaharienne a régressé durant les 25 dernières années. Celui d’Amnesty International qui vient de sortir n’en est pas moins accablant. Cette régression est la résultante de la confiscation du pouvoir et la gestion calamiteuse des affaires publiques par ceux qui sont à la tête de ces Etats. Toutes les tentatives de redressement socio-politico-économique ont misérablement échoué. Ces échecs cuisants entrainent l’exode des jeunes désespérés vers l’Europe ; d’où les images horribles des jeunes qui périssent en mer (dans les eaux de la Méditerranée) et s’écorchent vifs sur les barbelés érigés autour des enclaves espagnoles du Maroc. Or, tout ce dont ces jeunes ont besoin c’est l’utilisation rationnelle des ressources de leurs pays qui permettraient qu’ils aient une bonne éducation, la mise en œuvre de programmes économiques sains qui favorisent la création d’emplois pour résorber les jeunes diplômés sans emplois.
Nous ne perdons pas de vue le fait que M. Sarkozy ait exprimé clairement sa volonté de vouloir en finir avec les vieilles méthodes des réseaux parallèles et de développer des rapports de partenariat avec l’Afrique. Sa rencontre avec la Présidente du Liberia semble indiquer cette idée de rupture, et nous osons l’espérer, devrait augurer un nouveau démarrage. Aucun pays au monde ne saurait, à lui tout seul, régler les problèmes de l’Afrique subsaharienne. C’est de la conjugaison des efforts de tous que cette partie du monde pourrait amorcer un nouveau virage. Il suffit que le triste sort des populations africaines fasse partie des préoccupations premières de politique extérieure du nouveau locataire de l’Elysée lorsqu’il aura fini avec la mise en place de l’équipe qui l’épaulera dans ses nouvelles fonctions. En confiant le portefeuille des affaires étrangères à un ardent militant des droits humains comme le Docteur Kouchner, nous voyons que le Président Sarkozy veut donner là un signal fort.
L’Afrique abonde de ressources naturelles et il suffit seulement d’un petit coup de main, d’un peu de bon sens pour que les populations puissent tirer le plus grand bénéfice de ces ressources. Les aider à sortir de l’impasse politique par l’alternance pacifique sera le meilleur cadeau que M. Sarkozy fera aux populations d’Afrique subsaharienne.
Djimé Adoum et Favitsou Boulandi