Enlèvement ou tentative d’enlèvement : Qui croire ?
Ca fait plus d’une semaine que les medias ont fait du sort des 103 enfants de l’est tchadien un festival sans qualificatif. Le festival, s’il faut l’appeler ainsi a démontré a suffisance l’etat de delabrement du système politico-social du Tchad. D’abord, le Président Deby a fait sa déclaration fracassante pour clamer haut et fort que la justice tchadienne doit faire son travail et qu’il n’y aura pas piétinement.
A peine a t-il fini avec sa déclaration que les choses ont commencé à prendre une tournure digne d’une république bananière. La justice qui devait faire son travail en toute indépendance s’est vue obligée de se prononcer sur cette affaire de manière très peu orthodoxe. Les magistrats grognent et font savoir que des pressions politiques très fortes leur sont tombées sur la tête et bien qu’ils n’aient pas du tout apprécié cette manière de faire, ils ont tout de même fini par lâcher.
On voulait nous faire croire que la justice au Tchad était indépendante et que les enquêtes allaient se faire en toute quiétude. Les tchadiens savaient mieux et la réalité d’état défaillant se manifeste encore dans toute sa plénitude. Non seulement la justice est subordonnée au pouvoir exécutif, mais en plus les règles élémentaires de procédure sont allégrement foulées au pied.
La preuve, s’il en était encore besoin, est désormais faite. Le Tchad est dirigé par une dictature. Ce constat permet de soutenir l’argument selon lequel cette histoire de trafic d’enfants comporte beaucoup de flou qu’il faut clarifier. On sait maintenant que les enfants n’étaient ni soudanais, ni orphelins. On dit aussi que l’Arche de Zoé aurait vicié le consentement des parents en leur promettant un suivi médical et une scolarisation à Abéché. Il apparait bien, selon les enregistrements de la CAPA, que l’Arche de Zoé tentait subrepticement d’embarquer les enfants pour la France.
On ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit là d’une affaire mafieuse. N’eut été l’état de déliquescence du Tchad, on n’aurait pas connu une telle situation. L’implication des responsables de l’administration territoriale de la région de Tiné, région d’origine du Président Deby, laisse beaucoup de questions en suspens. Il faudra, non pas passer l’éponge mais bien établir les responsabilités au plus haut niveau. Même si des promesses ont été faites lors du bref séjour du Président Français Nicolas Sarkozy au Tchad et que les ressortissants français sont renvoyés chez eux avant que les magistrats tchadiens aient terminé leurs instructions de l’affaire, les responsables tchadiens à tous les niveaux qui ont contribué à cette tentative de trafic honteux doivent être démasqués. On ne saurait s’arrêter aux deux responsables de Tiné.
La souveraineté du Tchad a été violée parce que le Tchad a cessé d’être un Etat dans le vrai sens du mot. Autrement dit, si le pays était bien géré, si des services de santé et d’éducation adéquats existaient, si l’exercice abusif du pouvoir ne poussait pas les tchadiens au maquis, la « figure » du Tchad ne serait pas ainsi jetée par terre. En somme, la responsabilité première, dans cette affaire, incombe au Président Idriss Deby Itno et à son régime. A eux de tirer les conclusions qui s’imposent quand on a montré ses limites et trahi toute une nation!
Djimé Adoum