Tchad : Tragédie sans limites?
Les combats entre la rébellion et le régime du Président Idriss Deby Itno ont repris le samedi dernier avec la première escarmouche entre gendarmes et éléments de l’Union des Forces pour la Démocratie et le Développement (UFDD) à Hadjer Hadid pour s’étendre entre lundi et mercredi aux régions d’Am Zoer, Adré et Guéréda.
Les combats entre la rébellion et le régime du Président Idriss Deby Itno ont repris le samedi dernier avec la première escarmouche entre gendarmes et éléments de l’Union des Forces pour la Démocratie et le Développement (UFDD) à Hadjer Hadid pour s’étendre entre lundi et mercredi aux régions d’Am Zoer, Adré et Guéréda.
Les moyens militaires déployés de part et d’autre sont sans doute impressionnants au regard des bilans contradictoires revendiquant la victoire pour un camp ou pour l’autre. Par les tons triomphalistes des communiqués annonçant les tueries et les destructions de matériels tant du côté du Gouvernement que de la rébellion, on croirait que les tchadiens ont à faire à des combats entre le Tchad et un envahisseur étranger.
La réalité, si on accepte évidemment de la regarder en face, est que tous ces morts sont tchadiens qu’ils soient des rebelles ou des soldats. Les matériels de guerre, pour une large part, ont été acquis avec l’argent du peuple. Ces compatriotes qui tombent sur les champs de bataille sont nos parents, nos amis et surtout des bras valides arrachés au développement du Tchad. Le plus souvent, ce sont des jeunes qui avaient encore tout l’avenir devant eux.
La réalité est que nous tchadiens nous massacrons entre nous, parce que l’un de nous a cru devoir modifier la constitution pour s’éterniser au pouvoir alors qu’il y est arrivé avec un seul mot dans la bouche « ni or, ni argent, mais la démocratie ! » Ce concept de « démocratie », que les grecs ont donné au monde et que les constitutionnalistes traduisent par « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple », ne permet pas qu’un homme ou un clan confisque le pouvoir souverain du peuple. On peut alors se demander si Idriss Deby Itno a usé de ce mot par conviction ou par convenance.
La réponse à cette interrogation est facile à trouver si on jette un coup d’œil sur le bilan des 18 années de présidence du chef du Mouvement Patriotique du Salut : le Tchad avance à reculons, le tissu social est totalement disloqué, les conflits interethniques se sont accentués, le chômage des diplômés a atteint des niveaux inégalés et le népotisme s’est installé à tous les niveaux, avec pour corollaire la corruption généralisée. Pire, la jeunesse tchadienne commence à ne plus croire à l’avenir. Cette situation génère immanquablement des frustrations.
Tant que l’espoir d’alternance pacifique existait, les tchadiens prirent leur mal en patience, espérant que le Président Deby tiendrait ses promesses et se retirerait à la fin de son deuxième mandat. Mais lorsque le Mouvement Patriotique du Salut, agissant comme au bon vieux temps du parti unique, recommanda la modification de la Constitution, notamment l’article 61 sur la limitation des mandats et que le Parlement et le Gouvernement se hâtèrent d’exécuter cette recommandation, il apparut clairement à tous que la confiscation du pouvoir était devenue une réalité.
Le préambule de la Constitution de 1996 donnant le droit au peuple de se révolter contre la confiscation du pouvoir par un clan, la rébellion trouve ici sa justification. Toutefois, au regard des pertes subies de part et d’autre en hommes et en matériels depuis l’arrivée d’Idriss Deby au pouvoir et qui sont toutes au passif du Tchad, il est permis de se demander s’il n’y a pas d’autres voies pour corriger les déviations constatées afin de remettre le pays sur la bonne voie.
C’est ici que le dialogue inclusif de paix devient une nécessité. Si les uns et les autres abordent ce dialogue dans un esprit d’ouverture empreint de sincérité, il peut conduire les tchadiens vers cet avenir que tous appellent de leurs vœux : un état politiquement démocratique, économiquement viable où l’équité sera le mode opératoire dans les rapports entre citoyens. Autrement dit, les tragédies au Tchad peuvent avoir des limites pour peu que les tchadiens veuillent bien essayer autre chose que les armes.
A l’instar des autres peuples, nous en sommes capables et nous devons nous efforcer dans ce sens. La paix durable ne s’installera que lorsque nous aurions extirpé les démons du clanisme, du népotisme, du tribalisme et de l’exclusion et que nous aurions compris que nous sommes condamnés par l’histoire à vivre ensemble, dans nos différences, sur ce territoire qu’est la République du Tchad qui est notre patrimoine commun.
L. Favitsou Boulandi