A N’Djamena, une procédure judiciaire sous pression – Libération
Les magistrats de la capitale ont dû mener les auditions des sept Européens libérés au pas de charge.
L’un, le président français, est rayonnant devant les caméras. L’autre, son homologue tchadien, reste plutôt grave, conscient de l’importance du moment. «Je dois sincèrement remercier les magistrats qui ont travaillé jour et nuit pour que nous parvenions aujourd’hui à ce résultat», assure Idriss Déby. «Je vais donc repartir à Paris avec les trois journalistes et les quatre hôtesses de l’air espagnoles et je voudrais remercier très sincèrement le président Idriss Déby qui a bien voulu aider à la résolution de ce problème», poursuit Nicolas Sarkozy.
Tous deux expliquent que l’affaire de l’Arche de Zoé n’aura aucun impact sur le déploiement prochain de la force européenne (Eufor) dans l’est du Tchad, ou encore sur les bonnes relations entre la France et le Tchad. A plusieurs reprises durant l’entretien, Nicolas Sarkozy tutoiera même le président tchadien, l’appelant «Idriss». Deux des trois questions posées par la presse sur d’éventuelles pressions sur la justice tchadienne sont démenties à l’unisson. Peu après, le président français accompagné des trois journalistes et de quatre hôtesses repartait à bord d’un A319 militaire français.
Dès le matin tout N’Djamena connaissait la nouvelle de l’arrivée du chef de l’Etat français. Au palais de justice, certains grognent : «Que voulez-vous qu’on vous dise ? Evidemment, c’est une atteinte à l’indépendance de la justice. Depuis quand les magistrats travaillent le dimanche ?» se plaint l’un d’entre eux. «Hier un membre du parquet a même claqué la porte, il ne voulait pas signer les ordonnances de libération», lâche un autre juge. Alors que le juge d’instruction n’a toujours pas rendu sa décision finale, le directeur des services pénitenciers attend patiemment. «Je me promène», se contente-t-il de dire avec un large sourire.
Du côté des avocats tchadiens, comme des diplomates, on se félicite. «De toutes les façons, les journalistes et les hôtesses allaient être relâchés tôt ou tard», explique un avocat. «Ils ont tous été entendus sur le fond, rien n’empêche leur libération. Et hier samedi, le président de l’Arche de Zoé, Eric Breteau, a affirmé qu’ils n’étaient pas membres de l’association», justifie Philippe Houssiné, avocat pour l’Etat tchadien. Le stewart espagnol qui n’a pu être entendu samedi passera lui au moins une nuit de plus à la maison d’arrêt de N’Djamena. «Sur la femme journaliste, on continuait à avoir des doutes, confie un autre magistrat. Elle n’avait pas de visa de journaliste et on a appris qu’elle faisait partie des familles d’accueil, a-t-il ajouté, précisant : On aurait dû nous laisser poursuivre la procédure jusqu’au bout.»
Alors que le convoi des deux chef d’Etat, français et tchadien, fait son entrée dans l’enceinte de la présidence, la libération devient officielle. «Je viens de recevoir la notification de la levée du mandat de dépôts», explique Jean-Bernard Padaré, avocat pour le journaliste de l’agence Capa, précisant que cela revient à une sorte de «libération provisoire», mais que «l’instruction sur leurs cas se poursuit».
L’essentiel
L’essentiel : Nicolas Sarkozy est allé en personne à N’Djamena chercher les quatre hôtesses de l’air espagnoles et les trois journalistes français inculpés dans l’affaire de l’Arche de Zoé et laissés libres par la justice tchadienne. Les sept Européens ont été mis hors de cause, samedi, par le président de l’association. Le contexte : Il s’agissait pour le président français de donner des gages à son homologue, Idriss Déby, dans une affaire où Paris a dû jouer profil bas. L’enjeu : Dans un mois doit commencer le déploiement d’une force européenne au Tchad et en République centrafricaine pour sécuriser les camps de réfugiés venus du Darfour voisin.