Nos souhaits ne seront pas encore exaucés ?
Attention, cette bouillie est enrichie de gingembre, de poivre noir tchadien et très pimentée. Elle est déconseillée à tous ceux qui ont un tube digestif rétréci, pas assez ouvert à la libre expression d’opinions divergentes et aux débats démocratiques pimentés. Autrement, elle est à consommer sans modération, pour qu’il y ait un peu moins d’insultes ici bas, surtout chez nous au Tchad, dans nos blogs et sites web!
OK, prêts ? N’insultez pas !
Entre nous, disons-le nous franchement: nos vœux et souhaits n’ont jamais encore été exaucés. Ils ne le sont jamais. Et ne le seront probablement, encore une fois de plus, pas exaucés cette année. Le seront-ils un jour ? Peut-être oui. Peut-être non. C’est comme la création d’un Etat Palestinien. Plus on s’en approche, plus ça s’éloigne. Ainsi de suite, depuis 1948. Et cela s’appelle l’éternelle continuation tchadienne: je fonce, tu fonces, elle/il fonce, nous fonçons, vous foncez, elles/ils foncent, tous yeux fermés, têtes baissées, phares toutes éteintes, à cent à l’heure, tout droit au mur. Un mur de béton ignorant qui nous confine dans un triangle isocèle! Désolant !
Déjà en un assez hier récent, nous chantons fièrement mais peut-être beaucoup plus naïvement: « …lêbe les zieux, la benir est ta touah… ». Par la suite, nous nous sommes échangés et souhaités mutuellement, chaque 31 décembre, des vœux des meilleurs du monde : Oh mon pays, Que Dieu te prenne en garde! Mon œil !
Oui car Dieu, lui, n’a rien à voir avec nos cochonneries. Lui, est loin. Très loin dans de lointains cieux et les croyant(e)s tchadien(ne)s ne l’ont pas encore vu. C’est pourquoi il faut revenir sur terre. Planter solidement nos pieds au sol. Être réalistes. Et c’est Tombalbaye qui nous montre la meilleure façon de nous planter solidement sur le sol de nos ancêtres. Il commença d’abord par mettre tous ses généraux et autre officiers en taule ; en prenant soin d’en laisser un, un très jeune appelé Kamougué Wadal Kader. On ne sait jamais. En tout cas lui, ne mettais jamais tous ses œufs dans un même panier ! Lui, François devenu Ngarta pour la circonstance commença par nous dire, en parlant du Tchad et tout surtout sans papier, authentique : « Qu’il est doux ce coin d’Afrique…. Pour mon cœur il est sans prix…. »
Et puis, et puis quelqu’un dont Ngarta eut l’imprudence de laisser en liberté sursauta pour dire : arrêtez, arrêtez moi ça! On est où là? Ce quelqu’un là se fait présenter comme étant Kamougué, Le « Baorõ » ! Et puis, pouf ff ! Tout à coup patatras cadabre: « takaou-takaou-takaou, Boum! Tout le monde bombardé: le BET bombardé, les deux Logones bombardé; Le Moyen-Chari bombardé, le Batha aussi bombardé; le Ouaddaï bombardé, le Mayo-kebbi bombardé; le Kanem bombardé, le Salamat bombardé; le Lac bombardé, la Tandjilé bombardé; le Chari Baguirmi bombardé, le Biltine a bombardé et le Guéra aussi a bombardé ; tout le monde bombardé : »takaou-takaou-takaou, Boum! « Ô mon Pays, Que tes voisins admirent tes enfants, Joyeux, pacifiques, en avant en se tuant! Pourquoi pas? Après tout nous des tchadiens vivants au Tchad. Tant pis pour nous si les marchands d’armes, ces boulangers de la mort se frottent les mains. Si à quoi cela servirait à la grande Union Soviétique de s’évertuer à faire naître, éduquer et former son Andreï Kalachnikov national dans un kolkhoze de la toundra ? N’est-ce pas pour faire naître des grands héros combattants de la liberté au Tchad ? Et Dassault Aviation ? Pour quelles raisons et dans quels intérêts croyez-vous que entreprise gauloise a été fondée ? Hein? Mon œil !Quant à nous tchadiens, tant pis si nous n’avions jamais encore vu, ne serait-ce que le millième de nos souhaits et désirs de bien être et du confort exaucés. En tout cas pas pour la vaste majorité d’entre nous! Qu’à cela ne tienne ! Si pour Machiavel « la fin justifie les moyens », pour nous philosophes tchadiens ce sont plutôt « les moyens qui justifient la fin »!
Et pourtant,…! Non, rassurez-vous. Je ne suis pas entrain de vous citer Galilée mais pour vous faire remarquer simplement que notre chère patrie, le Tchad, est riche. Riche d’intellectuels chevronnés, ces braves citoyens tous récipiendaires du titre de « Docteur »(Bac +7) ; le Tchad, notre pays est riche, riche de Généraux d’armée, ces autres braves citoyens, tous ainsi récompensés de grade de Général d’armée du fait de leurs hauts faits pour la nation; le Tchad, notre patrie, est riche, riche enfin de Partis politiques et Mouvements politico-militaires, tous très soucieux de démocratie, de paix et justice, d’unité nationale, du respect des droits humains, de liberté et de prospérité dans notre pays.
Mais oui mais si, le Tchad est aujourd’hui le seul pays au monde où le nombre de « Docteurs Es en tel » dépasse la moyenne par tête d’habitant. Quant au nombre de Généraux, il est à 1/10ème près à dépasser celui des simples soldats et hommes de troupe. Les partis politiques et autres politico-militaires, eux, leur nombre exact est tout simplement inconnu. Il semble, pour cela, qu’il faudra attendre un recensement général de la population. Sans doute, notre pays détiendra encore pour longtemps la « Guinness de records » dans ce domaine. Pour l’heure il y aurait entre deux mille et deux millions de Partis politiques et autres politico-militaires dans notre pays. Bravo! Bravo mais, car logiquement cette docte richesse aurait pu nous permettre de mener une existence aisée, sinon conduire notre aventure nationale sur une note positive. Hélas, ce n’est jusqu’ici pas encore le cas. Et on a bien peur que nos vœux ne soient donc jamais exaucés.
Tant pis ou bien tant mieux. Comme vous voulez ! On fera quand même avec et on fera exactement ce que nous avons toujours été capables et su mieux faire jusqu’ici: s’entretuer, tuer, voler, violer, piller, mourir (comme des rats pestiférés), râler et sauter opportunément sur toutes les premières occasions opportunistes qui se présente à nous. Vive l’indépendance ; Vive la révolution ; Vive le Tchad !
En attendant, il y a peut-être autre chose de mieux à faire. Autre chose de croustillant à faire en ce mois hivernal de ce côté-ci des Pyrénées. Histoire juste de s’offrir quelques instants de plaisir: offrons-nous quelques moments de rires. Il paraît que c’est une excellente thérapie, en pareil situation de tueries collectives. Après tout, ce n’est pas interdit de s’offrir quelques instants de plaisir. Ris. Ris de temps en temps durant ce régal de bouillie poivrée. Pour cela, recommence la lecture. Tente encore une dernière fois, de rire, sinon de te faire rire, ou du moins d’essayer de faire apparaître sur ton beau visage un semblant d’espèce humaine, c’est-à-dire de ne pas paraître mais d’être un humain et d’en tirer la conséquence : ne pas mettre de l’encre dans la boîte et de la craie dans l’encrier ; mais de faire exactement le contraire de ce que tu faisais jusque-ici de ce pays que tu feins d’aimer. Et tu verras. Personne ne le regrettera pas, même pas toi!
En attendant, le meilleur vœu que je puisse te souhaiter c’est de ne pas « paraître » mais « d’être » un humain: « Connais-toi, toi-même ». Ton pays s’en irait mieux et nos souhaits – peut-être – certainement tous exaucés !
Michelot Yogogombaye