Les déçus de l’UFR
Dans le paysage politique tchadien y compris dans la diaspora l’opposition au président Idriss Deby est très multiforme, mais grosso modo, il y a les vrais et les pseudos, les opportunistes. Sur les rares sites qui existaient dans le temps, des individus se sont particulièrement distingués, vilipendant le régime, la personne de ID, son clan etc. Ces individus s’auto définissaient des « jeunes », «des intellectuels ». Avec l’intensification de la lutte armée, on a constaté une nette évolution. Le langage est devenu acerbe, mensonger et injurieux vis-à-vis des anciens collaborateurs de Deby devenus opposants, et maintenant modéré vis-à-vis du régime. En fait un clin d’œil vers Deby. C’est un pied dedans, un pied dehors. Habré, en son temps, dirait dehors !
Des nouveaux sites ont apparus, les anciens animateurs des sites ont été complètement récupérés par le pouvoir de N’djamena, mais avec les nouveaux animateurs, non plus la philosophie n’a pas changé : discréditer toute la classe politique tchadienne et se présenter comme l’homme idéal nouveau, jeune qui n’a jamais détourné, n’a jamais tué, n’a jamais volé, etc., et capable des miracles, n’épargnant au passage aucun homme politique d’opposition armée ou non armée, inondant les sites par des « réflexions » aussi plates que leurs cervelets embrouillés. Leur soif de gravir les échelons, d’émerger, d’occuper un poste ministériel ne se cache plus. Mais le président tchadien continue de regarder ailleurs. Et nos « intellos » de se rabattre sur l’opposition armée, plus celle-ci marque des points, plus le rapprochement se précise. En contradiction flagrantes de leurs écrits et de leurs « principes » déclarés, ils choisirent tel ou tel mouvement en fonction de sa composition ethnique, alors qu’ils se proclamaient anti clan, anti ethnie, région, religion, etc., sommant les leaders de l’opposition armée de s’unir, de bannir les considérations et les intérêts personnels. Mais sans couper définitivement le pont avec Idriss Deby. Et l’UFR apparut. Et ce fut le désarroi.
Désarroi de ne pas avoir à la tête de l’UFR quelqu’un de leur obédience ethnique, désarroi de ne pas faire partie des instances de l’UFR. Déception totale. A la place de l’immense ouf de soulagement exprimé par la majorité des tchadiens qui aspirent au changement, ils exprimèrent une « merde » de déception. Comme si l’actuelle composition de l’UFR et le nouveau responsable leur barraient toute future promotion personnelle. Déçus que ce nouveau responsable ne soit leurs préférés. Avec celui là ils n’ont aucune chance (pensent-ils naïvement), car il prendrait les siens, càd ceux de son ethnie, de son clan. Dès l’annonce de la composition et du leader de l’UFR, les attaques, les diffamations et les « réflexions » fusent de tous cotés. Au nouveau responsable de l’UFR sont collées toutes les épithètes négatives. L’opposition anti UFR s’organise, la « dissidence » se met en place. Ceux qui hier criminalisaient les leaders de la rébellion pour leur désunion, regrettent aujourd’hui l’union, parce qu’ils ne s’y trouvent pas. Les rares personnes de l’opposition armées qui tergiversent sur l’union pour des raisons hautement subjectives sont déjà devenues leurs nouveaux héros. Leurs derniers papiers sont carrément un appel du pied à Deby. C’est ça, être « intellectuel » au Tchad.
Un ex grand militant des associations estudiantines et du Frolinat, aujourd’hui homme d’affaire à l’écart de la vie politique, avait déclaré publiquement, pour justifier son retournement de veste d’alors : « un intellectuel c’est exactement comme une prostituée ; celle-ci peut coucher même avec un gorille pourvu que ce dernier paye, l’intello aussi s’engage là où il a ses intérêts matériels ». Que Dieu épargne les jeunes intellectuels tchadiens de cette comparaison.
Mohamed Abdelkerim (N’djamena)