Par la faute du MJE, Deby a t-il été obligé de reporter son offensive ?
Tout N’Djamena et toute l’opposition armée en parlaient : Deby prépare la plus grande offensive jamais lancée depuis le début de la rébellion de l’Est. Cette offensive, Deby l’a préparée minutieusement. Des armes de toutes sortes ont été acquises à coup de pétrodollars, de tous les coins du globe, ainsi que des avions de combats équipés des appareils de vision nocturne, qui ne peuvent pas être atteints par les anti aériens à la disposition des rebelles, des avions de transport, etc.
Selon une source, en moins de 4 mois, Deby aurait acheté plus de 1000 Toyota tout terrain pour le transport des troupes, 100 000 tenues militaires et autres accessoires. En plus de ces moyens logistiques, Deby a mis à l’aise son nouvel allié Mahamat Nour à coup de CFA et pense avoir récupéré tous les éléments du MJE, au grand dam de leur Chef, le Dr Khalil Ibrahim.
Contrairement à tous les accords signés auparavant, celui de l’Arabie saoudite a donné des espoirs inattendus à Deby. Deby a juré devant le roi d’Arabie saoudite qu’il va mettre à la porte les rebelles soudanais, tout en sachant que le MLS a déjà quitté le Tchad depuis un mois et le MJE est déjà récupéré, excepté son Chef. Et lors de sa rencontre avec Elbechir, Deby a fermement cru que le Soudan ferait de même.
Dès son retour à N’Djamena et après sa rencontre avec la délégation soudanaise, Deby mit sa machine infernale en branle. D’abord, pour montrer sa bonne volonté, il a remis à la délégation soudanaise les officiers supérieurs soudanais faits prisonniers lors des combats de Kariari et détenus dans les geôles de l’ANS, sans que le MJE en soit au courant, alors qu’ils sont considérés être détenus par le MJE. Ensuite il envoya une délégation composée d’Adoum Younousmi, ministre des infrastructures, Ahamat Albachir, ministre de l’intérieur, Mahamat Nour, ministre de la défense pour rencontrer le Dr Khalil, chef du MJE. Après les salamalecs (salutations d’usage), La délégation a transmis le message suivant au chef du MJE : « le président de la république nous a chargés de vous dire -1) de ne pas accorder des interviews à la presse internationale, en particulier à la télévision Eljazeera, 2) de ne pas publier des articles dans la presse en ligne, 3) de ne pas bouger de N’Djamena jusqu’à nouvel ordre ». Après avoir écouté attentivement la délégation, et d’un air relax dont les soudanais en ont le secret, il répondit en ces termes : « je vous charge de remercier son excellence pour tout ce qu’il a fait pour le MJE et de ce fait, je respecterai ses instructions à la lettre ».
Etant bien au courant de tous les complots de Deby à son encontre, dès que la délégation tourna le dos, le Dr convoqua son staff et concocta discrètement son plan d’évacuation de N’Djamena. Il quitta nuitamment la ville en semant tous les services de sécurité et en empruntant pour la suite du trajet des pistes caravanières jusqu’à Abéché et Adré où il a pu se mettre sous la protection de son Etat Major. Deby pensait, à tort bien sur, que Dr Khalil a pris le devant pour l’accueillir.
C’est dans cet état d’esprit que Deby a débarqué à Abéché, oubliant au passage que Abéché a été banni par lui. Mais Abéché est un passage obligé. Pour dégommer les tristes souvenirs de Deby lors du passage de l’UFDD, la population s’est mobilisée massivement pour l’accueillir. Mais l’homme à la rancœur tenace, alla se faire loger à la résidence du gouverneur à la surprise générale de tout ce qu’il y a d’autorités à Abéché. Pourtant sa résidence saccagée, a été remise à neuf à coup de millions de f CFA par les commerçants d’Abéché. Il a fallu la lecture du coran par les oulémas pour extirper le mauvais sort qui le décida finalement à déménager dans sa résidence avec l’omniprésente Hinda.
Le temps des sauts d’humeur passé, il a appris que le MJE est en état d’alerte maximum derrière son Chef et que ce dernier se prépare à quitter avec armes et bagages et n’a aucune intention de participer à une quelconque offensive de Deby. La surprise est de taille, car Deby a déployé d’énormes moyens pour dégommer Dr Khalil de la tête du MJE. Plusieurs scenarii ont été examiné jusqu’au cas extrême : son élimination physique. Alors comment Dr Khalil a pu faire bloc derrière lui et se mettre sous la protection de son Etat Major ?
Enfin Deby, qui a fait sien les spéculations et les racontars de ses bouffons, sur l’état de santé de la rébellion, a cru fermement que la rébellion était en déconfiture, et il suffirait qu’il se rapproche personnellement de la ligne du front pour que des pans entiers de la rébellion s’écroulent et se rallient. Des noms des personnalités de premier plan sont cités dans tous les groupes comme potentiels futurs ralliés. La réalité fut tout autre, les bouffons sont incapables de joindre ceux des rebelles « qu’ils géraient » pour les faire rallier ! Pas de tonalité chez les téléphones de tous les groupes rebelles ! Pire encore, plus on se rapproche de la ligne du front, plus les désertions se multiplient. Du coup Deby est devenu furieux : il a demandé aux groupes des bouffons de regagner N’Djamena dar dar. Ensuite séance tenante, il a informé ses nombreux accompagnateurs que le but de son déplacement est d’abord d’examiner la sécurité dans la région, ensuite de régler le problème entre les populations Tama et les allogènes et enfin faire un saut au puits d’Amdjaress, lieu des prochaines cérémonies du 1er décembre. Ouf, tout le monde respire ! Alors la caravane s’est mise en direction d’Amzoer où elle passa deux nuits (vendredi et samedi). A Amzoer, le jeu de cache-cache entre le chef du MJE et Deby a continué ; Deby a voulu dissuader le patron du MJE de quitter le Tchad ; une rencontre fut donc organisée à Amzoer. Prudent, le chef du MJE est arrivé au rendez vous, accompagné de 50 Toyota surarmées. Selon un des rares témoins de la rencontre, Deby s’est platement couché devant le Chef du MJE par des excuses et des justifications. Comme d’habitude il a vertement chargé ses collaborateurs qui faisaient la navette entre les deux hommes : « Adoum Younousmi est un gorane, il veut te mettre hors du Tchad pour que Nouri prenne le pouvoir, Mahamat Ali Abdallah veut se prévaloir de tes éléments pour me narguer, Mahamat Ismaël Chaibo est un agent soudanais donc il joue leur jeu, Mahamat Nour est de bonne foi mais les Tama ne veulent pas se battre contre les rebelles, etc. » De l’ancienne musique grattée en somme. Sacré Deby ! Et la tension est vite tombée entre les deux hommes ; ils sont apparus souriants et détendus. Selon la même source, Deby a glissé une petite mallette entre les mains du Dr. Pour qui connaît le fameux Dr, le jeu du chat et de la souris va continuer encore un moment. Mais qui de Deby ou du Dr est dans le rôle du chat ou de la souris ? A suivre.
Mahamat Ahmat
N’djaména