Marchés publics : Gestion mafieuse à l’Education ?
Après la fameuse affaire du marché 205 suivie de l’arrestation et du limogeage de l’ancien ministre, une nouvelle gestion mafieuse s’est installée au ministère de l’Education nationale, bloquant presque le fonctionnement dudit département.
Nous sommes en début du mois de septembre, mais selon des sources bien informées, le ministère de l’Education nationale n’aurait encore absorbé qu’environ 30% de son budget général alors que nous tendons vers la clôture du budget. Pour cause, des contrats de marchés seraient bloqués dans le cabinet du ministre.
«Depuis le changement à la tête du ministère, rien ne va plus dans ce grand département qui est aujourd’hui sacrifié. On a affaire à un ministre qui ne peut pas exploiter les documents à lui soumis en français», s’indigne un cadre dudit département.
Une barrière linguistique
A sa nomination en mars 2009, l’actuel ministre, Abderahim Younous Ali, arabophone, se serait heurté à une barrière linguistique. Tous les documents administratifs à lui envoyés pour avis du ministre sont rédigés en français. Il fallait bien qu’il trouve quelqu’un qui l’assiste. Alors que les conseillers sont nommés par un décret présidentiel, le ministre a nommé par un arrêté un conseiller qui fait office de «vice-ministre». Depuis, celui-ci influencerait fortement ses décisions. Ceci expliquant cela peut-être, le courant ne passait pas entre Abderahim Younous Ali et l’ancienne secrétaire d’Etat à l’Education nationale. Cette crise, ajoutée à une autre constatée à la tête du ministère de la Santé publique, était entre autres une des raisons du remaniement du gouvernement d’Emmanuel Nadingar, un mois seulement après sa formation. Abderahim Younous Ali a annulé systématiquement tous les appels d’offres lancés par la secrétaire d’Etat qui assurait à l’époque l’intérim de son prédécesseur, Abdéramane Koko, limogé à la suite de l’affaire du marché 205.
Pour rappel, au lendemain des événements des 2 et 3 février 2008, le marché de gré à gré était une dérogation pour pallier le retard dans l’exécution du budget des départements ministériels. Cette dérogation, toujours en vigueur au ministère de l’Education nationale, est la porte ouverte à toutes sortes de magouilles. A la veille d’une ouverture d’offres, le ministre aurait demandé à l’Organe chargé des marchés publics (OCMP) un report pour ensuite annuler purement et simplement ces marchés. Mais juste après cette annulation, le ministre aurait demandé une dérogation au secrétariat général du gouvernement pour faire passer les marchés de gré à gré. Informé de la démarche mafieuse du ministre de l’Education nationale, le président de la République aurait donné des instructions fermes afin que le ministre de l’Education observe la procédure normale en relançant les appels d’offres conformément au code des marchés publics.
Le principe des 10%
Selon une source qui a requis l’anonymat, bien que le patron du département de l’Education nationale soit revenu à la procédure normale, les contrats approuvés déjà par l’OCMP ne peuvent pas ressortir du cabinet du ministre si les commerçants ne proposent pas les «fameux 10%», un jargon connu du milieu des affaires. Toujours selon cette source, une commission spéciale, composée d’agents du ministère cooptés, mise en place à cet effet sans aucune base juridique, est chargée de recouvrer les «fameux 10%». En revanche, les contrats des commerçants, qui refusent de s’adonner à cette pratique seraient en souffrance dans les tiroirs. Conséquence, il y aurait un grand retard dans l’exécution de certains projets à réaliser avant la prochaine rentrée scolaire.
Outre l’affaire des marchés publics, le ministre de l’Education exercerait des pressions sur les responsables de certaines directions techniques pour obtenir de l’argent. C’est notamment le cas du directeur des examens et concours, Seïd Nangatoum qui l’aura appris à ses dépens. Il a été suspendu de ses fonctions pour «insubordination notoire», le 24 août dernier. Son péché, c’est de n’avoir pas donné suite à une demande de fonds du ministre. Selon certains cadres dudit département, le ministre envisagerait de se débarrasser de ses collaborateurs gênants pour ainsi faire place à ses plus proches qui lui obéiraient au doigt et à l’œil. Le ministre aurait même préparé un projet de décret à cet effet pour remplacer ses collaborateurs les plus récalcitrants au profit des siens. Ce projet de décret aurait été rejeté au niveau de la Primature. Un de ses collaborateurs qui a témoigné sous l’anonymat informe que «le ministre cherche à arabiser tout le système éducatif».
Les vrais insubordonnés
Un conflit de grande envergure serait entretenu entre le ministre de l’Education nationale et le DAAFM du département, Abbo Acyl, frère cadet de la première Dame, qui n’en ferait qu’à sa tête. Celui-ci refuserait de répondre aux sollicitations de son ministre et à ses appels téléphoniques.
Cette guéguerre se serait transposée sur le champ des marchés publics, comme si les activités du ministère ne se résumaient qu’aux marchés publics.
«Comment confier la gestion d’un si grand ministère à des gens qui sont venus avec une seule logique: s’enrichir vaille que vaille au moment où les défis à relever sont énormes, notamment celui de la réforme du système éducatif?», s’interroge un enseignant. Pour cet enseignant, le ministre actuel, chef d’un parti politique de surcroît, est en quête d’argent pour faire fonctionner son parti.
Un autre “handicap