Les tchadiens et leur aveuglant patriotisme !
Le patriotisme d’après la plupart des dictionnaires c’est l’amour de la patrie, l’attachement, le dévouement à la patrie. Les avantages du patriotisme quant à eux sont de deux castes : ceux qui vous magnifient, honorent votre pays ; et ceux dans lesquels il y’a une manque de lucidité de clairvoyance. Dans ce type de patriotisme, vous vivez, réfléchissez comme un aveugle à telle enseigne que, vous ne savez plus ce que vous faite, vous ne vous rendez pas compte des supplices que vous infligez à vous, à votre entourage et à votre pays. C’est de ce patriotisme que nous parlerons ici.
Patriotisme, patriotisme, quand tu nous tiens !
Il suffit tout simplement d’exprimer de façon claire et sans ambiguïté aux tchadiens : « Le Tchad va mal », pour attirer sur vous, les qualificatifs les plus blèches de la langue Française, Arabe ou Ngambaye. Pourtant, cette courte déclaration renferme en elle de tas vérités. Faites purement un petit saut à l’université de N’djaména, dans les quartiers périphériques de la ville de N’djaména, chez les abonnées de la STEE, dans les avenues de la ville ; jetez seulement un coup d’œil sur les articles de la presse locale pour comprendre et accepter qu’ouvertement ‘’le Tchad va mal’’.
A l’université de la capitale, règne un grand bazar. Pour une licence en Droit, vous pouvez passer six ans sur les bancs de la faculté puisque dans cette université, les redoublements sont monnaies courantes, ils n’inquiètent même plus personne. Les bourses d’études s’obtiennent après des mois de manifestations ; les professeurs sont les gros poissons qui mangent les petits poissons, sans être inquiétés, ni par le ministère de l’éducation, ni par Dieu, ni par leur conscience, ni par leur supérieur hiérarchique. Parce que hier, vous ne lez avez pas salués sur la route, parce que votre copine refuse de céder à leurs avances, ils vous coincent en classe inférieure selon leur humeur. La conséquence de cette attitude qui n’honore pas leur fonction est que, dès que les jeunes ont leur Bac en main, ils fuient leur pays pour aller étudier dans les pays voisins – avec le plus souvent leur propre moyen de bord, quelque fois avec des bourses octroyées par des ONG internationales- d’où, ils sont confrontés à des rebuffades de la part des autochtones.
Dans les quartiers périphériques également, le Tchad va mal, c’est vrai, il faut l’admettre même si c’est difficile de l’accepter à cause de notre patriotisme. Durant les saisons de pluies, sortir, aller au boulot et revenir propre, est un parcours semé d’embûches. Dans certains de ces quartiers comme Habbéna, chagoua et Amtoukouï, c’est vraiment l’enfer. On se pocharde comme on peut, matin, midi et soir avec la Gala ou le Billi-billi pour ne pas devenir dingue. Les batteries des portables sont toujours faibles à cause du manque d’électricité, la diarrhée est un malaise très populaire puisqu’il y’a pas d’eau salubre pour se réhydrater avec cette chaleur suffocante. A Habbéna ou à Chagoua, le paludisme fait rage, les bandits opèrent librement avec des tenus de l’armée nationale.
Le Tchad va mal aussi du côté des abonnés de la STEE. Ces abonnés, leur calvaire est incommensurable puisqu’ils reçoivent l’électricité et l’eau durant une heure par jour, alors que les prix de consommation postés sur leur facture du mois les soutirent d’abondantes et grosses gouttes de sueurs qu’ils mettent souvent dix minutes à nettoyer en totalité.
Enfin, le Tchad va mal de même chez les journalistes de la presse privée. Pour une simple critique, l’armée se pointe à cinq heures du matin devant la piaule des directeurs de publication qui, sans aucune autre forme de procès, sont soulevés du sol, jetés dans les pick-up et amenés en prison d’où parfois, ils sortent après deux mois de détention, maigris tels des chiens privés de la graille depuis l’époque de l’arche de Noé. Ceux qui n’ont pas de chance, ils meurent en prison et pour montrer qu’on les aime, on pleure, on accède à la grandeur avec ‘’GUINESS is good for you’’, avec la Gala, la cochette ou la Fanta et la vie continue.
Délestages répétés de courant et d’eau, batteries tous les jours faibles, enivrement au quotidien pour tromper l’ennui, hausse du taux de décès, des viols et des violences gratuites, insalubrité dans la ville, bar par-ci, cabaret par-là, inondation, galère…telles sont les réalités de nos frères Tchadiens, de nos dignes patriotes tchadiens, toujours fiers de leur patrie, fiers à la folie, à la sauvagerie. Dignes tchadiens est belle et bien l’expression à employer puisque avec tous ces désordres, vous ne verrez jamais les tchadiens se plaindre de leur situation, plaindre leur pays. Quand vous les informés qu’un pays comme le Niger avec une population beaucoup plus importante que celle du Tchad – Quinze millions d’habitants en 2010- arrive à fournir à la majeure partie des civils vivant dans la capitale de l’eau et de l’électricité ; quand vous les dites qu’au Niger, ce pays qui n’est pas économiquement plus à l’aise que le Tchad, la bourse est un droit pour les étudiants ; pour les tchadiens, vous êtes un ‘’fou’’, un ‘’déraciné’’. Ne vous hâtez pas d’avancer que c’est parce que ces dignes mecs n’ont pas voyagé qu’ils vomissent de tels propos. Ne dites pas cela parce que, même les tchadiens qui ont été aux USA réagiront de cette manière. Ces patriotes à la puissance deux auront même le toupet de vous informer que N’djaména est une ville mille fois plus superbe que New -York. Quelle patriotisme…question de mentalité. Justement à propos de mentalité, je pense qu’il est temps que nous la changeons, que nous nous réveillons. Le Tchad, mes frères et sœurs, nous l’aimons tous. Ce n’est pas cependant notre amour pour lui qui nous empêchera de le critiquer. L’amour ressenti pour un pays, c’est comme votre attitude face à votre fils préféré. Au moment où votre fils prépare son bac, vous apprenez qu’il prend de la drogue. Quelle serait votre réaction : L’encourageriez-vous ou le critiqueriez-vous dans le but de l’amener à regretter son comportement ?
Frères et sœurs tchadiens, chers compatriotes, chers concitoyennes, notre pays le Tchad va mal il faut avoir la sagesse de le reconnaître comme l’a fait Jah Fakoly, l’artiste ivoirien. Oui, mon pays le Tchad va mal et ce n’est pas seulement la faute à L’Etat, à son chef ou aux membres du gouvernement, bref aux autorités. Mon pays va mal et je suis dans une certaine mesure, responsable de son mauvais fonctionnement. Ce que nous devrions reconnaître c’est que l’Etat, le gouvernement, son chef et ses ministres ont beaucoup fait pour ce pays. La balle est à présent dans notre camp à nous les civils. Ce que nous pouvons faire pour le progrès de notre pays, c’est à prime abord de mettre les points sur les i, c’est de reconnaître que notre pays mal, qu’il a besoin de notre réveil pour avancer. C’est notre droit chers compatriotes d’avoir de l’eau et de l’électricité à gogo ; c’est notre droit de le revendiquer ; c’est notre droit d’aller et de venir librement ; c’est notre droit d’avoir une université sérieuse…et ce serait une erreur grave que de ne pas revendiquer nos droits. Le pays va mal, pourquoi refuser de l’admettre ? pourquoi faire semblant de montrer aux autorités que tout va bien, que l’Etat tchadien est parfait et n’a plus besoin d’évoluer ? La peur ? De quoi ? De la mort ? Pourtant, ils sont là, ceux qui osent parler ouvertement des maux qui minent notre pays Oui, ils sont là, les Me Dobian Assingar et Jacqueline Moudeïna des droits de l’homme, les Beremadji Félix, les Koumbo Singa Gali de ‘’BI-HEBDO’’, les directeurs de publications de ‘’NOTRE TEMPS’’ du ‘’MIROIR’’ de ‘’LE TEMPS’’. Oui, ces vaillants citoyens et citoyennes, ces vrais patriotes, ils sont là, et Dieu les protège. La mort, ils en ont aussi peur comme vous et moi, les coups de matraques, ils savent qu’ils vont les faire transpirer… mais, ils ont compris qu’ils ne peuvent s’y échapper si telle est la volonté du bon Dieu. Alors tant qu’ils sont encore en vie, ils se sont dis qu’ils doivent être francs et ne pas jouer l’hypocrite même au péril de leur vie. Je vous le jour, leur noms, même s’ils meurent, même s’ils doivent récemment être précédés par un ‘’feu’’, comme ceux de Brahim Selguet, de Maître Behidi, ou de H. Adoum, resteront toujours dans nos esprits. Ce n’est pas à cause de son excellence monsieur le président IDRISS DEBY, ni à cause de son honorable monsieur le président de l’assemblée nationale que le pays mal, c’est à cause nous, vous et moi. Avec notre aveuglant patriotisme, nous donnons l’impression aux autorités qu’il y’ a plus rien à faire, que tout marche bien, puisque nos bars sont toujours animés et la bière y coule à flot. Une telle attitude, même si elle semble bonne pour nous pour le moment d’autant plus que nous arrivons à trouver notre ‘’gombo quotidien’’ ; aura des retombées catastrophiques pour nos petits enfants et la future génération. Lorsque le lac Tchad s’asséchera comme le sont nos puits d’eaux actuellement ; lorsque nos puits de pétroles seront vides ; lorsqu’il y’aura plus aucun arbre pour préparer nos ‘’digaris’’ ; c’est seulement en ce moment que nous reconnaîtrons que ‘’oui, le Tchad allait mal’’.
Pour finir, je pense que les patriotes, le Tchad en a besoin. Soyons cependant des patriotes responsables qui doivent prendre dans le patriotisme, ce qui est bien et mauvais, des patriotes responsables qui doivent dénoncer sans crainte, et, ce qui ne va pas dans le pays, et ceux qui sont responsables de ce mauvais fonctionnement même si, la mort, les bastonnades, la prison nous guettent. C’est seulement à ce prix là que le Tchad pourra devenir la vitrine de l’Afrique centrale car le changement ne consiste pas seulement à dire : « nous avons des immeubles maintenant ». Le changement mes patriotes, il est d’abord dans la tête. Alors, libérons-nous de ce patriotisme aveugle qui nous malmène.
Vive la presse Tchadienne. Vive les journalistes tchadiens. Gloire à nos martyres. Vive tous ceux et celles qui dénoncent ouvertement les dérives du régime pour un changement de comportement et un Tchad meilleur. Vive notre beau le Tchad. Je vous remercie.
Mbaïbé Geuntar Béba
Etudiant en soins infirmiers.