Interview de Timan ERDIMI, président du RaFD
Tchadactuel: Bonjour Monsieur Erdimi
ERDIMI: Oui bonjour
Tchadactuel: Monsieur le Président du RaFD, le Soudan et le Tchad ont rétablit leurs relations ; quelles sont les conséquences pour la rébellion armée de l’Est?
ERDIMI: Il est vrai qu’avant le rétablissement des relations nous avions bénéficié des appuis multiformes du gouvernement soudanais ; c’est de bonne guerre ; nous avons cru comprendre que le Tchad faisait la même chose avec la rébellion soudanaise. Depuis la normalisation des relations entre les deux pays, le Soudan respecte ses engagements.
Tchadactuel: Est-ce que le Soudan vous a-t-il demandé de quitter son territoire?
ERDIMI: En ce qui nous concerne, nous n’avions jamais été en territoire soudanais; ce n’est pas Deby qui va nous démentir, puisqu’il est venu nous trouver à Hadjer Marfaïne et il nous y a laissés.
Tchadactuel: L’opinion nationale s’interroge sur l’avenir de la rébellion armée, tant elle est divisée, on ne connaît pas leur programme politique, et surtout il semble que c’est une question de leadership.
ERDIMI: Contrairement à ce que l’opinion pense, la division de l’opposition armée n’est pas due aux problèmes de leadership, loin de là. Il y a d’abord un problème de suspicion, de méfiance, voir même du rejet. Notre statut même d’opposant au régime de Deby est difficilement admis par certains mouvements et opinions. Plus tard, quand les événements ont évolué et la nécessité d’une action politico-militaire commune est apparue urgente et nécessaire, il s’est révélé que nous avions des approches tout à fait différentes sur ce qu’il fallait faire avant et après Deby. Certains de nos collègues ont posé le problème en terme de tour : « tel groupe ethnique a déjà dirigé le Tchad, maintenant c’est le tour de tel autre, etc… Il est aussi apparu que la plupart d’entre nous n’ont pas d’idées précises sur les phases comme le forum de réconciliation nationale, la transition, etc., et plus grave, certains ne mesurent pas à sa juste valeur le combat de l’opposition démocratique intérieure etc. Ces mots sont dans la bouche de chacun d’entre nous, exactement comme si nous récitions mécaniquement un texte mais quand nous nous asseyons autour d’une table et examinons le contenu des mots, les divergences sont importantes.
Mais les choses évoluent positivement et les contacts se multiplient et s’améliorent qualitativement. D’ailleurs je porte à votre connaissance que le RaFD et la CNT d’Eldjinedi sont à un pas de conclure un accord de fusion politique et que l’armée a été déjà fusionnée sous un commandement unique. C’est la réponse à votre question relative à la division de l’opposition.
En ce qui concerne le programme politique, je voudrais être clair. Nous n’avons pas le droit de parler au nom du peuple ou des populations du Tchad; seuls ceux qui sont démocratiquement élus par le peuple ont la légitimité de parler en son nom. La période des mouvements de libération est révolue, ainsi que celle où un petit groupe d’intellectuels s’arroge le droit de parler au nom du peuple. Nous ne sommes plus à ces époques. Le Tchad est dirigé par un individu qui est nuisible au Tchad et aux Tchadiens ; je n’ai pas besoin de vous donner des preuves par rapport à cette nuisance. Il est, de façon absolue et irréfutable, rejeté par tous les Tchadiens. Toutes les élections tenues au Tchad prouvent cela. Il n’a jamais était élu et aucun referendum n’a été approuvé par le peuple. Je suis bien placé pour le dire et répéter haut et fort à son intelligible. Avec le système politique de Deby, toute alternance démocratique est assez difficile, voire impossible. Si certains Tchadiens sont encore toléré à exister et lutter politiquement dans le cadre du système politique actuel, il n’en est pas de même en ce qui nous concerne. Deby nous a obligés à recourir aux armes pour nous défendre, sauver notre peau et exister. En détruisant son système politique, nous contribuerons, sans nul doute, à œuvrer pour une alternance véritablement démocratique au Tchad et favoriser le retour d’une paix définitive dans notre pays. Donc pour nous les objectifs sont très simples : a) faire partir du pouvoir Deby et démanteler son système politique et b) participer activement avec toutes les forces pour mettre en place des institutions véritablement démocratiques, qui ne permettront plus la confiscation du pouvoir par une personne ou un groupe des personnes. C’est une fois qu’un tel système est mis en place, que le programme politique de chaque parti ou regroupement politique peut-être valablement promu et accepté par les populations qui pourront exercer librement leur choix démocratique. A cette phase là, je vous assure que nous serons présents.
Quand les gens demandent le programme politique de la rébellion, en réalité, et inconsciemment, ils se situent toujours dans les anciens schémas qui nous ont conduits là où nous sommes aujourd’hui. Et ce n’est pas notre schéma. Le départ de Deby sera l’œuvre de toute l’opposition, il en est de même pour la mise en place des nouvelles institutions.
Tchadactuel: L’opinion tchadienne a une peur bleue de voir se réapparaître les tendances politico-militaires ethniques avec tout ce qu’on a vu comme conséquences.
ERDIMI: J’avoue que c’est aussi notre crainte, c’est pourquoi nous prenons beaucoup de temps pour rapprocher les uns des autres et éviter par tous les moyens la répétition des événements auxquels vous faites allusion. C’est une des raisons de notre inaction à l’Est depuis un bon moment.
Tchadactuel: La désertion de l’ambassadeur Mahamat Nouri a été accueilli avec espoir par l’opposition armée et on pensait que l’Ambassadeur allait jouer un rôle de facilitateur pour rapprocher les differents groupes, or on constate que l’Ambassadeur vient de créer son groupe, très homogène d’ailleurs et qu’il est désormais un chef d’un groupe armé comme tous les autres. Que se passe t il?
ERDIMI: Franchement, il faut poser la question à l’intéressé lui-même.
Tchadactuel: Des bruits persistants circulent sur le fait que Deby a acheté avec de l’argent du pétrole beaucoup d’armes, vous ne trouvez pas que face à cette armada vous ne pesez pas lourd?
ERDIMI: Il faut vous signaler que ce ne sont pas les armes qui combattent mais c’est les hommes, or les hommes sont avec nous, soit ici à Hadjer Marfaïne ou là bas dans les différentes garnisons, secteurs ou régiments. Mieux que tout autre, le peuple tchadien n’est pas avec Deby et son système politique.
Tchadactuel: Vous voulez dire que mêmes ceux qui sont encore dans les rangs de l’armée de Deby sont aussi avec vous?
ERDIMI: Non je ne dirai pas cela, mais il y a certainement une certaine sympathie pour la cause que nous défendons
En revenant sur la quantité importante d’armes que possède Deby, permettez-moi de vous faire une confidence : l’armée tchadienne a beaucoup d’armes, mais nous avons des armes que l’armée ne possède pas et n’a jamais possédé; des armes assez spéciales.
Tchadactuel: Est-ce que Vous pourriez être plus claire?
ERDIMI: Non, je ne dis pas d’avantage ; je laisse ceux qui veulent encore mourir pour Deby, de les découvrir sur le terrain.
Tchadactuel: Deby bénéficie d’une protection de la France….
ERDIMI: Pour nous, la protection militaire dont bénéficie Deby de la part de la France est illégale et n’a aucun fondement juridique. La France a largement outrepassé le cadre des accords de coopération militaire qui la lie au Tchad. Nous sommes tous les jours survolés par les avions français, nos communications sont interceptées, écoutées et transmis à notre ennemi. Tout ça dans l’illégalité la plus totale. Il n’existe d’accords entre la France et le Tchad qui justifient cela. C’est la francafrique qui a mis à la disposition de Deby des militaires en contrepartie des services dont on peut facilement deviner la nature. Pour nous les activités des militaires français au Tchad ne sont que pur mercenariat. Et tout français, militaire ou civil, qui tombera entre les mains de nos forces combattantes sera considéré comme un mercenaire et traité comme tel.
Tchadactuel: Merci M. Erdimi.
ERDIMI: C’est à moi de vous remercier.