Une solution politique globale pour le Tchad: Point de presse 7 avril 2007
Le 5 janvier dernier, le CSAPR avait formulé entre autres vœux que tous les acteurs tchadiens et internationaux assument chacun leur part de responsabilité dans la recherche de la paix au Tchad. Trois mois sont passés aujourd’hui, des avancées ont été faites, des efforts certains restent à fournir…
Sur le plan politique d’abord, le CSAPR regrette une fois de plus le mutisme des chefs d’Etats de la CEMAC sur les situations politique et sécuritaire au Tchad et en République Centrafricaine, cette question n’étant même pas inscrite à l’ordre du jour de leur sommet initialement prévu les 16 et 17 mars mais reportée sine die. Le CSAPR croît fortement que la stabilisation de la situation tchadienne serait bénéfique pour l’ensemble de la sous région Afrique Centrale en général et pour le Nord Centrafrique et le Darfour en particulier.
De son côté, depuis fin 2006, la Commission de l’Union Européenne au Tchad a commencé la mise en œuvre de son processus en vue de l’amélioration du système électoral au Tchad, notamment dans la perspective des législatives. Le Délégué de la Commission Européenne facilite également des rencontres entre partis de l’opposition, partis alliés, parti au pouvoir et gouvernement dans l’objectif d’apaiser le climat politique et décrisper l’espace démocratique. Le CSAPR salue cette initiative et encourage les acteurs à maintenir le dialogue.
Néanmoins, le CSAPR regrette le secret qui entoure ces négociations politiques et recommande aux leaders politiques tchadiens d’informer l’opinion publique du processus en cours.
En effet, le CSAPR estime que les tchadiens ont le droit d’être informés des pistes de solution et il craint également que, dans le cas de négociations trop secrètes, ce processus risque de souffrir des mêmes manques que toutes les discussions entre seuls acteurs politiques. Chacun doit prendre ses responsabilités et laisser à ce processus une chance d’aboutir.
Qui plus est, ce processus reste insuffisant au regard des acteurs impliqués et des thèmes traités et le CSAPR encourage l’Union Européenne à s’engager diplomatiquement pour une résolution globale de la crise tchadienne. A ce jour, l’Union Africaine et les Nations Unies prônent une solution politique globale à la crise tchadienne, seule l’Union Européenne ne s’est pas prononcée officiellement à ce sujet, préférant laisser la Commission Européenne mettre en œuvre ses arrangements techniques. Le CSAPR exhorte donc le Conseil de l’Europe à développer une diplomatie ouverte, positive et à ne plus s’aligner sur la position française, à maintes reprises dénoncée par le CSAPR.
A ce titre, en accord avec de nombreuses organisations de société civile africaines, le CSAPR a dénoncé la politique française en Afrique à l’occasion du Sommet Citoyen tenu à Cannes en marge du sommet France-Afrique. Les candidats à la présidentielle française ont en outre été interpellés par le CSAPR en janvier lors d’une mission de plaidoyer à Paris et Bruxelles.
Concernant l’ouverture du gouvernement à des anciens rebelles, le CSAPR reste prudent et espère qu’elle portera de bons résultats. Cependant, cette entrée au gouvernement d’anciens rebelles semble symptomatique des accords parcellaires que dénonce le CSAPR, accords entre chefs de guerre qui se partagent ensuite des postes. Ces résultats justifient-ils la mort de milliers de tchadiens ? la destruction de villages ? du bétail ? ou encore l’hypothèque du développement du pays qui ne peut intervenir qu’en temps de paix ?
Nous, acteurs de la société civile, réitérons notre rejet de la violence comme mode de résolution de conflits et rappelons notre attachement à un dialogue national avec tous les acteurs, sur de grandes questions pour aboutir à un contrat social, à un contrat de paix entre tous les tchadiens, seul gage d’une paix durable.
La situation sécuritaire préoccupe également le Comité de suivi de l’Appel à la Paix et à la Réconciliation et ce d’autant plus que des affrontements dans les départements à l’Est du pays ont fait de nouveaux morts ces derniers jours et semblent se généraliser.
Il y a presque six mois bientôt que le gouvernement a instauré l’Etat d’urgence pour résoudre les problèmes sécuritaires dans l’Est du Tchad, pour mettre un terme aux conflits intercommunautaires, pour protéger les civils (réfugiés, déplacés, humanitaires) contre les attaques des différents groupes armés… Aujourd’hui, le bilan que nous pouvons faire n’est pas des plus glorieux si nous tenons compte de la restriction des libertés des individus, des organisations de la société civile et de la presse ainsi que de l’augmentation du sentiment d’insécurité face à la recrudescence des hommes en armes dont on ne sait finalement pas s’ils sont militaires, miliciens ou rebelles…
La préoccupation majeure du CSAPR et de la société civile en général reste évidemment la sécurité des populations civiles dans les départements de l’Est et en particulier des déplacés et des réfugiés. La circulation d’armes dans les différentes communautés, la constitution de milices et de groupes d’autodéfense, le recrutement d’enfants par les différents groupes militaires et paramilitaires, les attaques de camps de réfugiés et de villages sont autant de sujets d’inquiétude quant aux perspectives de retour à la paix.
Les récentes conclusions du coordonnateur des affaires humanitaires pour les Nations Unies John Holmes, suite à sa visite à l’Est du Tchad, font écho aux propositions du CSAPR notamment lorsqu’il insiste sur le fait que la seule réponse viable aux questions de sécurité est une solution politique, globale.
Pour le CSAPR, le gouvernement tchadien doit prendre ses responsabilités et trouver des réponses adéquates à la question des déplacés tchadiens en particulier en continuité au travail effectué par la société civile sur la question humanitaire et des droits humains. Faut-il rappeler qu’en six mois, le nombre de déplacés est passé de 50 000 à 140 000 dont 100 000 dans le seul département du Dar Sila ?
Plus généralement, il appartient au gouvernement de restaurer l’ordre et la sécurité sur l’ensemble du territoire et en particulier à l’Est dans le respect strict des droits de l’homme. Les affrontements intervenus il y a une semaine dans le Wadi-Fira prouvent à suffisance que cette question est encore malheureusement d’actualité.
En ce sens le CSAPR émet de fortes réserves quant à la création d’une force spéciale dans le Dar Tama qui serait « dotée de tous les moyens et armés jusqu’aux dents » pour y ramener la sécurité et désarmer entre autres les populations civiles. Le CSAPR craint que ces forces spéciales deviennent des forces de répression, dont les civils seront les premières victimes, au lieu d’assurer leur protection.
Aujourd’hui, milices progouvernementales, forces spéciales, tout cela démontre que l’armée nationale n’est pas en mesure d’assurer sa mission sur tout ou partie du territoire. Le gouvernement, qui doit avoir le monopole de la force publique, devrait le reconnaître et y remédier de la manière la plus efficace possible.
Pour le CSAPR, en attendant de se doter d’une armée véritablement nationale et professionnelle, le gouvernement tchadien devrait reconsidérer sa position quant au déploiement d’une force internationale visant à sécuriser les populations et l’espace humanitaire.
Pour autant, le CSAPR tient à rappeler qu’une telle force ne peut être déployée en dehors d’un processus politique global devant mener à un consensus national fort, étape essentielle pour une paix durable.
P/o Martine Nourry