TCHAD : La sécurité tribale d’Idriss Déby – Lettre du continent

Le président Idriss Déby, qui vient d’accueillir des manœuvres militaires régionales de la CEEAC à Moussoro, a réorganisé sa propre sécurité. Enquête exclusive.

Pour éviter d’être infiltré par ses propres neveux, Timan et Tom Erdimi, entrés en rébellion, le président Idriss Déby ne fait plus confiance qu’à ses très proches. Il a confié le commandement du Borkou et du Tibesti à son demi-frère, le général Abdelkhaïm Itno. Son frère cadet, le colonel Adam Déby, commande la zone de l’Ennedi. Le général Ismaël Cheïbou est le patron des services spéciaux et de la police politique, l’ANS (Agence nationale pour la sécurité). Patriarche bidéyate, le sexagénaire général Oki Dagash organise la sécurité tribale présidentielle à N’Djamena. Il s’appuie sur le général Mahamat Saleh qui a remplacé le général Mahamat Zène, envoyé en stage au Maroc.

Fils de Brahim Mahamat Itno tué en 1989 par Hissène Habré – et neveu du président -, le colonel Hissein Itno a été nommé attaché de défense à l’ambassade du Tchad aux Etats-Unis. Formé à Tours, le colonel Nassour Idriss Déby est responsable de la logistique. Enfin, le ministre d’Etat Adoum Younousmi, métis bidéyate, est le vrai gardien du temple du pouvoir zaghawa à N’Djamena. Il bénéficie, entre autres, du soutien d’Hinda Déby, la jeune épouse du président.

TCHAD/CENTRAFRIQUE : Les risques politiques de l’opération Eufor

Le projet de force européenne militaro-humanitaire Eufor (3 500 hommes) de sécurisation des camps de réfugiés au Tchad et en Centrafrique a été totalement monté par le ministre Bernard Kouchner avant d’être avalisé par le président Nicolas Sarkozy. Nation-cadre de l’opération, la France n’a pas réussi à mobiliser ses grands partenaires européens et risque de se retrouver sur le terrain en position délicate, surtout après l’affaire de l’Arche de Zoé. Les risques militaires – les foyers de rébellion dans les deux pays sont sous-estimés – et politiques (soutien aux régimes des présidents Déby et Bozizé) sont réels. Paris a aussi de gros soucis financiers. Eufor « sera une mission coûteuse », a déjà annoncé le général irlandais Patrick Nash, commandant de l’opération.

D’après nos sources, la facture sera de l’ordre de 250 millions €. Pour la France, son financement sera d’autant plus difficile à boucler que la quote-part hexagonale de 110 millions € à la Mission Nations unies/Union africaine (Minuad) dans le Darfour même (26 000 hommes en 2008) n’a pas été budgétisée dans la loi de finances, ont déjà relevé les parlementaires français.
Londres et Berlin aux abonnés absents de l’Eufor. Si la Grande-Bretagne a fait valoir son engagement majeur en Afghanistan pour ne pas participer à l’Eufor, l’Allemagne s’est quasiment montrée hostile à l’opération, estimant que l’Europe devrait plutôt concentrer ses forces et ses moyens sur l’opération Minuad, au Darfour en 2008. Dans les débats au sein du Comité politique et sécurité (COPS) européen, Berlin s’est aussi inquiété de l’impact d’Eufor sur les « dynamiques internes » au Tchad et en Centrafrique. Aussi, Eric Chevallier, le « monsieur crises et conflits » de Bernard Kouchner au Quai d’Orsay, a-t-il œuvré jour et nuit pendant des semaines pour mobiliser une myriade d’autres pays européens (Ukraine, Roumanie, Suède, Pays-Bas, Pologne, Belgique…) susceptibles de fournir quelques centaines d’hommes pour compléter le dispositif militaire. Dans la réalité, l’opération sera surtout française: plus de 1 500 soldats « tricolores », le quartier général central au Mont Valérien à Paris et une partie de la logistique de l’opération Epervier, présente au Tchad dans le cadre d’un accord de coopération bilatérale. Ce qui pourrait d’ailleurs accroître les risques politiques. Dans l’urgence, c’est une douzaine d’avions-cargos tactiques qui manquent à l’appel pour une mise en place du dispositif d’ici la fin de l’année.

Idriss Déby et ses « frères » de rébellion.

Dans l’entourage du président Idriss Déby, on n’exclut pas que Paris profite de l’opération « européenne » Eufor pour mieux replier, à terme, l’opération française Epervier, qui assure le renseignement et une partie de la logistique de l’armée tchadienne contre les rebelles installés au Soudan. L’accord de paix avec ces derniers, signé fin octobre en Libye, semble déjà avoir vécu. L’un de leurs leaders, Timan Erdimi, qui a été longtemps un des plus proches collaborateurs du président avec son frère jumeau « Tom » – ce sont les propres neveux du « chef » ! -, a déclaré que son mouvement « n’aura d’autre solution que de reprendre la lutte armée après le 25 novembre puisque Déby ne respecte pas l’accord de Tripoli ».

François Bozizé ne règne que sur Bangui.

Le président centrafricain, qui était à Paris en début de semaine, doit faire face à au moins trois foyers de rébellion: ceux du général Zakaria Damane (UFDR) et du capitaine Abakar Saboune (en détention à Cotonou) soutenus par le Soudan dans la région pétrolière de Wakafaga ; du général Martin Koutamadji alias Abdoulaye Miskine (FDPC) dans le centre-Nord du pays; du capitaine Florian Djadder (UFR), fils du générai François Bedaya Djadder, ancien DG de la garde présidentielle, dans le Nord-Ouest; de Christophe Gazam-Betty (FRN), ancien ambassadeur en Chine. Installé au pouvoir à Bangui en 2003 avec le soutien de Paris – comme Idriss Déby à N’Djamena en 1990 -, le président François Bozizé, très sollicité par des pays comme la Chine, n’en tacle pas moins aujourd’hui les intérêts français dans le pétrole (Total) et les mines (Areva).

PHILIPPE VAN WINKELBERG, le « médecin » de l’Arche de Zoé.

C’est la mobilisation générale à Castellane (Alpes de Haute-Provence) pour faire libérer Philippe van Winkelberg, le médecin de l’Arche de Zoé, originaire de cette ville. Le comité de soutien est présidé par JeanLouis Bianco, député PS de cette région. Pour prouver que le French Doctor n’était pas un « décideur » de l’équipe dirigeante de l’association, ses proches ont fait circuler un « ordre de mission » de Children Rescue signé par Eric Breteau qui écrit: « Je soussigné Eric Breteau, président de l’organisation humanitaire française Children Rescue, donne mandat par la présente à M. Philippe Van Winkelberg, agissant en qualité de médecin pour notre opération humanitaire à l’est du Tchad. Cette opération a pour objectif de créer à l’est du Tchad des structures d’accueil pour les enfants réfugiés ou déplacés en situation de grande vulnérabilité ».


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